Voyage dans le cosmos

Préambule

Ce texte m’a été inspiré par de vives réparties de “ATHENA” à mon endroit. Elle m’a reproché, entre autres, d’être en retard sur les connaissances actuelles. Je ne polémiquerai pas et je ne lui adresse aucun reproche en réponse, cela ne mènerait nulle part.

En revanche, je m’aperçois qu’il faut ici procéder à une mise au point. La Science est en cause dans l’affaire. Le mot “Science ” est aujourd’hui galvaudé et utilisé par trop de personnes qui ne savent pas de quoi ils parlent. Ce n’est la faute à personne. C’est une conséquence de la vulgarisation de la chose, donc d’un effet secondaire malencontreux des médias, et derrière le mot “médias”, il faut inclure une certaine presse people, ce qu’on appelle, en Angleterre, des tabloïds.

Il existe, c’est inévitable, des tabloïds qui se réclament de la Science. Tenaillés par le besoin, mensuel ou hebdomadaire, de publier à tout prix pour vivre, ces revues ou magazines sont bien forcés de vendre du rêve, de démontrer que l’on découvre chaque jour, bientôt chaque heure, quelque nouvelle application ou invention de nature réputée scientifique, qui attire le chaland.

Ces publications vendeuses de rêves échevelés doivent beaucoup à un engouement extraordinaire, dans les années 1945 à 1960, pour les romans d’anticipation.

L’écrasante majeure partie de ces “polars” faisait visiter aux lecteurs la plupart des constellations de notre chère Voie Lactée, “notre” galaxie. J’en ai dévoré, pour ma part, des dizaines, que j’empruntais pour 10 anciens francs chacun à une bibliothèque privée qui vivait des locations de ses ouvrages. Pour ce prix, il fallait les rendre après trois jours, sous peine de n’avoir plus le droit d’en emprunter.

Il faut reconnaître que dans la masse de ces publications, il y avait pas mal d’ouvrages de qualité, dont les auteurs s’étaient instruits sérieusement sur les étoiles dont ils nous faisaient visiter les (hypothétiques) cortèges planétaires. Les cartes du Ciel étaient alors très à la mode. Pour mes douze ans, ma famille m’avait inscrit aux “louveteaux” du coin. Notre modeste salle, au numéro 6 de la “Rue de la Cloche d’or” , dans mon quartier de ce qui était alors une des plus belles villes de France, était équipée, dans tout son plafond, d’une immense carte du Ciel avec les noms de toutes les constellations, toute noire avec des points phosphorescents pour les étoiles. Les prêtres “catho” de l’époque nous les faisaient apprendre par coeur!

J’étais enchanté de les reconnaître dans ces romans à six sous que je lisais d’une seule traite. Aldéraban, Andromède (il s’agit ici de la constellation, qu’il ne faut pas confondre avec la galaxie d’Andromède, la soeur de la Voie Lactée), Cassiopée, Sirius, les Pléïades, la chevelure de Bérénice, les nuages de Magellan, la Lyre, la Croix du Sud… J’étais émerveillé de la cohérence entre ce que je voyais chaque jeudi rue de la Cloche d’Or, et ce que je lisais deux fois par semaine pour 20 anciens francs.

Parmi ces auteurs aujourd’hui bien oubliés, je cite Volsted Gridban, dont les livres étaient réellement intelligents et nourris à d’authentiques connaissances de ce qu’on savait à l’époque, en langage profane, sur les subtilités de l’espace-temps.

J’affirme ici que ces ouvrages étaient bien plus travaillés que ce qu’on peut voir aujourd’hui sur Internet.

Mais l’adolescence n’est qu’un court passage, et lorsque, jeune mais déniaisé, on se frotte à la vraie Science, tout change.

La vraie science n’a rien à voir avec tout ce qui précède. Servir cette majestueuse compilation de dizaines de siècles de sueurs et d’efforts, c’est dur et exigeant. C’est passionnant, mais ce n’est jamais une partie de plaisir. Presque toujours, cela implique des sacrifices. C’est rarement bien rémunéré.

Digression : j’ai connu le fils du grand, de l’immense Henri Lebesgue (en fait, Henri-Léon), un des plus grands mathématiciens de tous les temps. Son fils, donc, a été mon collègue à Paris en 1969 et 1970; il était agrégé de Physique, il m’a bien évidemment parlé de son célèbre père (dont il m’a offert une édition de ses oeuvres complètes). Il m’a confié que pour “faire bouillir la marmite”, Henri Lebesgue présidait des “jurys de bachot” … eh oui! la République est austère et exigeante même avec ses plus grands savants! Fin de la digression.

C’est souvent ingrat. Il est courant et banal de dire que la Science, c’est “dix pour cent d’inspiration et quatre-vingt dix pour cent de transpiration”.

Autre exemple : en 1989-90, un excellent mathématicien Japonais, Yuashi Miyaoka, démontra le célébrissime “dernier théorème de Fermat”. Sa preuve était géniale, fulgurante; elle utilisait les derniers progrès de la géométrie algébrique moderne. Mais quand vous publiez une découverte de cette envergure, le “village mathématique” du monde entier vous attend au tournant. L’épluchage de votre trouvaille est impitoyable, aucun ordinateur ne serait aussi minutieux, aussi pointilleux.

C’est la blockchain du village mathématique, plus efficace que le meilleur ordinateur du monde… Hélas! au bout de huit mois d’euphorie, petit pépin : un petit rien, au détour d’une pièce minuscule de ce gigantesque puzzle de la preuve de Yuashi Miyaoka, un petit quelque chose non faux, mais inexact, un petit rien qu’assurément on allait corriger sans faute! Eh bien non, on n’a jamais pu corriger ce petit rien. Ce fut comme l’explosion de ce Boeing 707, sur une piste d’aérodrome au Japon, à cause d’une rondelle de 3 cm de diamètre qui avait été mal posée lors de la révision mécanique générale obligatoire de l’avion quelques centaines de km avant d’atterrir. Mon maître J.T. m’avait confié : “le plus triste de l’affaire, c’est que le résidu de son effort [l’effort de Miyaoka] est égal à zéro”.

Pour mieux me faire comprendre, petit constat : à n’importe quel niveau, quand un mathématicien invente quelque chose de vraiment nouveau, lorsqu’il expose son travail, au moins 99 % des mathématiciens qu’il cite sont morts et enterrés depuis longtemps! la Science est de nature éminemment sociale : le meilleur physicien du monde, seul sur une île déserte, s’il avait survécu de longues années, n’aurait jamais inventé ni créé quoi que ce soit!

Dernière anecdote sur la réalité de la vie scientifique : Copernic. Il a passé sa vie à fuir l’Inquisition, de ville en ville, parfois en Suisse, parfois en Pologne, son pays natal. Très peu souvent à Cracovie, sa ville natale… Un imbécile de première grandeur, Luther, possesseur décomplexé des grands pouvoirs médiatiques de son époque, où l’on remplaçait la tv d’aujourd’hui par de redoutables sermons en chaire chaque dimanche, avait lancé contre Copernic non une fatwa, mais une terrible excommunication, en précisant que Copernic, qu’il nommait “le fou”, méritait le bûcher pour avoir souillé la parole divine, “en enseignant sa théorie farfelue de l’héliocentrisme”. Je réserve pour la fin de ce texte les détails du crime reproché à Copernic, ils valent leur pesant de cacahuètes! en les lisant, chers lecteurs de Réseau-Libre, vous penserez : ” mince alors! rien de nouveau sous le soleil!”

Voyages interplanétaires et intersidéraux, rêve et réalité

A) Le système solaire

Il ne peut donc s’agir là que de déplacements habités à l’intérieur de notre système solaire. Pour cela, il faut bien  e mettre en tête les dimensions de ce système solaire. Ci-dessous, le classement des 12 planètes connues  ar  rdre croissant de leur distance moyenne au soleil, exprimée en kilomètres; pour chacune, on donne, en jours  errestres, la durée de révolution autour du soleil, la masse en tonnes, la gravité en nombre de g (g =gravité  errestre, et le rayon équatorial R de l’astre, en kilomètres :

Tableau 1

Le système solaire est de loin la partie de l’univers la mieux connue et la plus étudiée. Elle présente un énorme avantage : on n’a besoin que de la théorie de Newton pour tout explorer par robots. Par exemple, le rendez-vous de Voyager 2 (lancé le 20 août 1977) avec Neptune s’est produit exactement à l’endroit du Ciel prévu, le 25 août 1989, après 12 ans de voyage, avec une erreur de datation inférieure à onze secondes! ce qui montre la solidité increvable des théories de Newton!

Arrêtons-nous un instant sur l’immensité du système solaire : la planète Saturne est déjà à 1426666422 km du soleil, donc, sa distance la plus courte à notre Terre est 1277068399 km, soit 3360,7 fois plus que la distance Terre-Lune. Et si nous poussons jusqu’à Neptune, la dernière des grandes planètes, la distance la plus courte entre Neptune et notre Terre est 4348798418km, soit onze mille quatre cent fois plus que la distance Terre-Lune : c’est vertigineux!

On nous promet des humains sur Mars en 2035. Nous verrons ci-dessous ce qu’il faut en penser. Mais comparons les distances : 380 000km de la Terre à la Lune. Au minimum de leur distance, Mars et la Terre sont séparés par 54 millions de km, c’est-à-dire 142 fois plus que les 380 000 km entre Terre et Lune. Mais si nous projetions d’aller voir de plus près du côté de Neptune, la distance à parcourir de la Terre à Neptune serait 80 fois plus grande que la distance la plus courte entre la Terre et Mars! donc un changement d’échelle écrasant entre un voyage vers Mars et un voyage vers Neptune, et un changement d’échelle inconcevable entre les voyages vers la Lune et les voyages vers Neptune. Et si on poussait un peu plus loin, jusqu’à Pluton et à la ceinture de Kuiper, cela donnerait une idée à peine imaginable de l’immensité du système solaire!

B) Préliminaire sur les planètes

Les missions Apollo 11 (22/07/1969) jusqu’à Apollo 17 (07/12/1972) ont été un succès jamais réitéré depuis ces années de 1969 à 1972. Ce fut un exploit exceptionnel. Les négationnistes de ces missions sont aujourd’hui ridiculisés, puisque les actuels télescopes hyperpuissants permettent de voir à l’oeil nu, sur la Lune, les vestiges de ces missions, notamment les deux automobiles lunaires laissées par Apollo 15 et Apollo 17. La vitesse maximale, par rapport à notre Terre, atteinte par Saturne 5, a été 39600 km/h, i.e. exactement 11 km/seconde, vitesse de libération de la gravitation terrestre. C’est un maximum pratiquement indépassable avec les moyens actuels : c’est-à-dire, des carburants classiques poussés au maximum de leurs possibilités.

Par rapport aux voyages sur la Lune, l’environnement sidéral d’un voyage sur Mars sera très différent. C’est une tout autre aventure de se rendre sur une autre planète et non sur notre satellite. Voyons d’abord quelques généralités sur les planètes du système solaire.

Rappelons qu’on appelle écliptique la trajectoire de la Terre (ou plutôt de son centre de gravité) dans son mouvement périodique autour du soleil. En première approximation, sur des durées de l’ordre de quelques siècles, l’écliptique est une ellipse stable dont le soleil occupe l’un des deux foyers. Son excentricité est 0,01671022, la forme de cette ellipse n’est donc pas bien éloignée d’un cercle. Les ellipses sont des courbes planes : le plan de l’écliptique est miraculeusement d’une stabilité très longue dans la durée : des milliers de siècles. Et ce plan, appelé le plan de l’écliptique, est fixe par rapport aux étoiles dites fixes. Le soleil est grosso modo sphérique, il n’est pas solide (c’est une sorte de boule “de feu” géante). Le centre du soleil est dans le plan de l’écliptique. La perpendiculaire au plan de l’écliptique qui passe par le centre du soleil est appelée la verticale sidérale.

Le soleil tourne sur lui-même autour d’un axe passant par son centre. Les cercles tracés sur le soleil centrés sur cet axe et dont le plan est orthogonal à cet axe seront appelés les parallèles du soleil. L’axe de rotation propre du soleil coupe sa surface en deux points, qui seront appelés ses pôles. Le pôle nord est celui du côté de la verticale sidérale nord. Cette dernière se reconnaît ainsi : si on s’embroche sur la verticale sidérale avec la tête côté nord, on voit le soleil tourner sur lui-même dans le sens inverse des aiguilles d’une montre. L’autre pôle du soleil est son pôle sud. Notons que cet axe n’est pas orthogonal à l’écliptique. Il fait avec elle un angle arithmétique d’environ 26,2 degrés d’angle.

On peut découper la sphère solaire en zones comprises entre deux parallèles. Ces zones tournent toutes dans le même sens mais à des vitesses différentes. La rotation la plus rapide est celle de la zone équatoriale (= celle du grand cercle parallèle dont le centre est le centre du soleil), les plus lentes sont celles des deux zones polaires.

On constate alors que le mouvement de rotation de la Terre autour du soleil se fait dans le même sens que le sens de rotation propre du soleil, c’est-à-dire dans le sens inverse de celui des aiguilles d’une montre.

On constate que les autres planètes tournent elles aussi autour du soleil, toutes dans le même sens (appelé sens direct) que celui de la Terre, et que leurs trajectoires son fixes sur des durées de quelques siècles et sont elles aussi des ellipses dont le soleil est l’un des foyers. Ces ellipses sont donc toutes des courbes planes; leurs plans sont tous plus stables que leurs trajectoires. On vérifie que les plans de ces ellipses sont très voisines de l’écliptique. L’angle arithmétique que forme le plan d’une de ces ellipses avec l’écliptique s’appelle l’inclinaison de la planète en question. Pour toutes les planètes sauf Uranus, la planète tourne sur elle-même autour d’un axe passant par son centre, qui fait avec la direction orthogonale au plan de sa trajectoire un certain angle arithmétique compris entre 0 et 30 degrés.

Cet angle est appelé inclinaison de l’axe (donc, à ne pas confondre avec l’inclinaison définie plus haut). La valeur 0 est presque atteinte pour la planète Mercure. Il y a deux exceptions notables : Uranus, pour qui cet angle est de 97 degrés (autrement dit, l’axe de rotation propre est carrément couché (à 7 degrés près) sur le plan de la trajectoire, et Vénus, avec 177 degrés, ce qui signifie que l’axe est alors proche de la verticale sidérale, mais avec une rotation propre dans le sens indirect.

C) Carte d’identité simplifiée de la planète Mars

Outre les indications du tableau 1 :

• l’inclinaison de la planète Mars est très voisine de 1,85 degrés d’angle.

• l’inclinaison de son axe est 25,19 degrés (Rappelons que pour la Terre, son axe s’appelle l’axe du monde et son inclinaison est
23,4366907752 degrés). Sur Mars, il y a donc des saisons, sensiblement plus marquées que sur la Terre puisque l’inclinaison de son axe est un peu plus grande que celle de l’axe du monde.

• Mars possède une atmosphère très ténue, dont la pression au sol est environ le centième de la pression atmosphérique terrestre. Cette atmosphère est formée essentiellement de gaz carbonique. Composition précise : gaz carbonique 95;32%, azote 2;76%, argon 1;6%.

Rappelons ici que l’atmosphère terrestre a une masse de 5;15 × 1015 tonnes et une pression au sol de 1 bar. Sur Mars, la masse de l’atmosphère est 25 × 1012 tonnes, donc 200 fois moins abondante que sur la Terre, et la pression au sol avoisine 0;01 bar, donc cent fois moins que sur la Terre. Ces précisions sont très importantes pour la suite.

D) En route pour la planète Mars

Notre but n’est pas ici de concurrencer les spécialistes chargés, dans diverses nations, d’étudier les possibilités d’envoyer des humains sur Mars. Il est seulement de donner aux lecteurs de Réseau-Libre le plus possible de données simplifiées, à la portée du plus grand nombre, qui leur montreront les énormes difficultés d’une telle entreprise avec les moyens actuels.

Nous avons vu que l’inclinaison de Mars est environ 1,85 degré d’angle. On peut donc, en première approximation peu exigeante, mais suffisante pour notre objectif, supposer les trajectoires de la Terre et de Mars circulaires de centre le soleil, et concentriques, tournant autour du soleil dans le sens direct. Prenons pour unité d’angle le radian, compté positivement dans le sens direct, et pour unité de temps la durée nécessaire pour que la Terre tourne autour du soleil de un radian; cette unité équivaut approximativement à 58,13 jours moyens de 24 h. Notons respectivement vT et vM les vitesses angulaires de la Terre et de Mars. La durée d’un tour complet de la Terre autour du soleil est donc 2p. D’après le tableau 1, on a:

D) Problèmes matériels

• : il ressort de notre étude approximative que les phases les plus délicates d’une telle expédition sont celles du départ et de l’arrivée du voyage magique par l’ellipse de Hohmann E. Il faudra contrecarrer la gravitation de la Terre (au départ en le point A) et de Mars (à l’arrivée en le point B. Dans les deux cas, on aura affaire à un problème à trois corps : la Terre, le soleil et l’astronef (pour le départ) et Mars, l’astronef et le soleil (pour l’arrivée). Les mathématiciens ont beaucoup écrit sur le problème newtonien à trois corps; il existe même une solution générale théorique, mais trop complexe pour être applicable avec les moyens actuels. Les risques d’un voyage sans retour dans le Cosmos ne sont pas anecdotiques; les mises au point de ces phases vont consommer beaucoup de temps….et d’énergie! Des problèmes analogues vont se présenter pour le voyage du retour, mais en sens inverse.

• : Un humain adulte, pour survivre, doit consommer annuellement environ une tonne de nourritures variées et boissons. Il doit aussi rejeter dans l’environnement les déchets de ces nourritures et boissons. Il respire environ 25 kg d’air terrien par 24 heures.

L’expédition devra emmener sur Mars au moins trois astronautes. Nous nous arrêterons à ce nombre de trois. S’il fallait emporter dans l’astronef tous ces ingrédients sous la forme normale (en comprimant l’air pour économiser l’espace habitable de l’astronef) ce sont plus de 60 tonnes qu’il faudrait au départ emporter dans l’espace habitable, qui s’ajouteront aux énormes stocks de carburant à prévoir dans les parties non habitables dont l’essentiel devront être abandonnées.

Lors des missions Apollo, les astronautes ont été soumis au régime des concentrés et des recyclages organiques de ce qu’on pouvait recycler, notamment pour l’air respirable. Mais ces recyclages impliquent des appareils sophistiqués qui, eux aussi, occcupent de l’espace habitable de l’astronef. Une chose est de soumettre pendant les huit jours d’une mission Apollo les astronautes à ces régimes de concentrés et de machines de recyclage, et une autre est de soumettre les astronautes à un tel régime pour une durée d’au moins deux ans. C’est bien beau sur le papier, “à la lueur des lampes” comme disait Baudelaire, mais les réalités sont impitoyables. Les organismes humains devront survivre avec des ersatz ridicules de gravitation durant les phases purement spatiales du voyage, et avec seulement 38% de la gravité terrestre durant leur séjour martien. Ces conditions vont forcément délabrer les organismes de ces personnels. Les nourritures et boissons soit concentrées soit recyclées risquent dans la seconde moitié du voyage, d’avoir un drôle de goût. Chacun sait ou doit savoir que les vitamines en comprimés sont difficilement assimilables par l’homme. Malgré les stocks de comprimés et autre solutions, des avitaminoses surviendront tôt ou tard. Pour une expédition aussi grandiose, des organismes humains altérés ne sont certes pas l’idéal. Deux. ans, c’est 104 missions d’affilée 7 jours chacune, autrement dures que celles d’Apollo.

Autre difficulté : sur Mars, les communications avec la Terre ne seront pas instantanées. En admettant qu’elles se propagent à la vitesse de la lumière, un aller simple (ou un retour simple) va durer entre 4 et 22 minutes. En effet, l’aphélie de Mars est à 249 000 000 de km du soleil et la distance de Mars à la terre peut donc varier de 70 à 400 millions de km, suivant la configuration temporelle.

Supposons q’une difficulté sérieuse survienne chez nos astronautes sur Mars. Si le soleil est entrela terre et Mars, ces trois corps étant presque alignés, la distance entre Mars et la Terre sera voisine de 400 millions de km,ce qui prend 22 minutes à la lumière pour les parcourir. Le retour durera lui aussi 22 mi,utes. En tout, cela fera 44 minutes d’attente pour recevoir la réponse à une question posée par Mars à la Terre. Un tel délai peut aisément transformer une banale avarie contrôlable en un drame irréparable.

E) Qu’attendre du système solaire ?

Nous ne sommes pas près d’aller sur Mars. Pour y trouver quoi ? une atmosphère 200 fois moindre que sur notre Terre, donc inutile de rêver à une utopique “terraformation” de cette planète : laissons cela à l’imagination fertile de M. Schwartzenegger!

Mercure est un four à peu près dépourvu d’atmosphère. Vénus a une atmosphère de poids 4;8 × 1017 tonnes, soit presque 100 fois plus lourde que celle de la Terre, formée à 95 % de CO2. Son épaisseur dépasse 300 km, et sa température avoisine 460 Celsius. A part rêver, l’humanité n’a rien à en attendre.

Les planètes restantes, à partir de Jupiter par ordre du tableau1, sont gazeuses. donc inhabitables, mais certains de leurs satellites ne son pas sans intérêt. Entre Mars et Jupiter, se trouve la ceinture d’astéroïdes et la petite Cérès, planète naine. Ces objets-là n’ont pas d’atmosphère mais semblent receler des minéraux abondants et variés. Les quatre satellites galiléens de Jupiter (Io, Europe, Ganymède et Callisto), sont telluriques et explorables par robots. Le satellite Titan de Saturne, lui aussi tellurique, est presque aussi grand que Mars, est doté d’une atmosphère épaisse gênante pour l’observer, formée à 98% de diazote glacial, mais c’est un monde froid, pourvu vraisemblablement d’océans de méthane liquide.

En tout, les neuf planètes principales du système solaire ont plus de 200 satellites de grandes dimensions. En dehors de la Terre, aucune de ces planètes ni de ces 200 satellites n’est habitable.

L’avenir à log terme, pour l’humanité est d’utiliser ce système solaire comme réservoir de matières premières, qui seront sans doute un jour exploitables par robots. La ceinture d’astéroïdes, entièrement tellurique, est la plus prometteuse et en même temps la plus abordable. Mais Europe (le satellite galiléen de Jupiter) et Encelade (boule de glace et d’eau, autre satellite de Saturne) ) sont d’immenses réservoirs d’eau.

A long terme, si l’humanité surmonte ses actuelles difficultés, l’homme devrait pouvoir exploiter par robots la ceinture d’astéroïdes et l’eau d’Europe et Encelade. Mais il ne faut pas rêver : à partir de Mars, planète déjà très froide, on n’a affaire qu’à des mondes extrêmement froids, que le soleil ne saurait réchauffer.

Pour se faire une idée, depuis Jupiter, le soleil apparait comme un disque cinq fois plus petit (en diamètre apparent) que la Lune terrestre. Et depuis Saturne, ce disque est en diamètre apparent dix fois plus petit que notre Lune terrestre.

Nous l’avons vu, il ne faut attendre aucun miracle de Mars. Le seul espoir de s’y établir par des stations spatiales réside en le dépassement des combustibles chimiques classiques déjà utilisées par les fusées Saturne 5 et suivantes (dont une plus grosse, mise au point par les russes). Ce dépassement peut et doit consister en la maîtrise de l’énergie atomique (de fusion ou de fission) pour propulser les fusées de l’avenir. On est encore loin du compte, mais il n’est ni utopique ni déraisonnable de l’espérer. Si l’homme y parvient, il explorera sa prison, qui est le système solaire, et pourra vivre son potentiel biologique, qui doit sûrement dépasser celui de dinosaures (les dinosaures on été les rois de la terre durant une longue période, que l’on estime entre 60 et 300 millions de nos années). Il serait donc dommage que l’homme disparaisse avant ce terme biologique à peine imaginable.

F) Les étoiles de notre galaxie et les exoplanètes

Chacun sait, ou devrait savoir, qu’en dehors de notre système solaire, la majeure partie des étoiles dites fixes sont d’autres soleils, de dimensions variées, allant de mille fois plus grandes que notre soleil jusqu’à dix ou vingt fois plus petites.

Ces étoiles ont de longue date été classées selon divers critères, répertoriées, bref étudiées. Elles s’organisent en des galaxies, gigantesques amas d’étoiles, ayant la forme d’un escargot qu’on aurait aplati sans détruire ses belles spirales. Notre galaxie, la Voie Lactée, contient notre système solaire et environ 1011 étoiles (estimation majoritaire). Pour circuler dans cette immensité, il faut des unités de mesure à la hauteur. Les deux principales sont l’année-lumière (en abrégé “al”) et le parsec (en abrégé “pc”).

L’al est la distance parcourue par la lumière en une année terrestre. Comme la lumière se propage à environ 300 000 km/seconde, on voit qu’une al est égale à 9,46 × 1012 km, soit presque 1013 km. Un parsec est a à peu près trois fois plus long qu’une al.

Le diamètre de notre système solaire est environ 12×109 km, soit approximativement 1000 fois moins que la longueur d’une al. Les astronomes, depuis plus de 50 ans, ont décompté plusieurs milliards de galaxies semblables à la Voie Lactée.

Le diamètre de la Voie Lactée est estimé à 100 000 al. Son épaisseur la plus grande est estimée entre 20 000 et 22 000 al, c’est donc un immense disque. La distance à la Voie Lactée des galaxies les plus éloignées de la notre est estimée à 15×109 al. La plus proche est la galaxie d’Andromède, située à environ 2 500 000 al de notre Voie Lactée.

Nous arrêterons là cette évocation des galaxies. Actuellement, il sévit une grande mode : les exoplanètes : ce sont les planètes qui tournent autour des autres étoiles de la Voie Lactée, vues comme autant d’autres soleils. Il a bien fallu se rendre à l’évidence, montrée par les télescopes modernes : autour de la plupart des étoiles de la Voie Lactée, il tourne, à la façon des planètes de notre système solaire, d’autres planètes. Depuis qu’on en découvre, on en a déjà recensé près de 8000, réparties sur 100 à 200 étoiles, toutes distantes de notre système solaire de moins de 100 al.

De là à rêver à d’autres mondes que notre Terre, il n’y avait qu’un pas, franchi depuis plus de 30 ans. Ces mondes étaient tout trouvés : les exoplanètes. Argument massue des exoplanétistes férus d’aventures intersidérales : avec 100 milliards d’autres soleils dans la Voie Lactée, ce serait bien le diable s’il n’en existait au moins une qui ressemble suffisamment à notre Terre pour qu’on puisse enfin s’évader de notre planète vers une autre, certainement meilleure, comme toute nouveauté. Mais deux obstacles redoutables se dressent aussitôt et rafraîchissent les enthousiasmes.

Premier obstacle : ces exoplanètes enchanteresses, il faut pouvoir s’y rendre. De longue date, on a pensé à l’étoile la plus proche de la nôtre : alpha centauri, situé à peu près à 4 al de notre soleil. En fait, alpha centauri est une étoile triple, dont on nomme A, B et C les trois étoiles, par ordre décroissant de leur luminosité. La plus brillante est la seule qui se voit à l’oeil nu : elle est deux fois plus grande que notre soleil et deux fois plus lumineuse. Hélas, elle n’a aucun cortège d’exoplanètes. La suivante, B, est un peu poins grande que A, mais bien moins lumineuse, et c’est elle qui possède une exoplanète, sensiblement plus grande que notre Terre. Hélas, elle est logée à moins de 6 millions de km de B, ce qui en fait un astre brûlé à plusieurs centaines de degrés Celsius : pas de chance! la troisième, C, n’a aucun intérêt et pas d’exoplanète.

Il est couramment admis, pour d’excellentes raisons de Physique, que si nous réussissons un jour à mettre au point la propulsion atomique des fusées, on ne pourra pas dépasser des vitesses de 300 km/seconde, c’est-à-dire le millième de la vitesse de la lumière. Autrement dit, pour aborder les heureux rivages d’alpha centauri, il faudrait 4000 ans.

Ces découvertes assez récentes, dues à de nouveaux télescopes extrêmement puissants, n’ont découragé ni les écrivains de science-fiction, ni les exoplanétistes férus de Cosmologie. Un de ces écrivains a imaginé un vaisseau spatial grandiose, de plusieurs kilomètres de haut, pourvu de nombreux étages avec tout ce qu’il faut pour la survie humaine. Ce vaisseau devait être lancé avec, à son bord, plusieurs milliers d’humains des deux sexes, pourvus dans ce paquebot spatial de tout ce qu’il fallait pour entretenir leur vie et se reproduire, selon des programmes précis de vie et de mort. Ces futurs conquérants de nouvelles terres promises devaient vivre 75 ans, pas une minute de plus. Le jour même de leur 75ième anniversaire, ils devaient s’enfermer dans un désintégrateur qui les transformait en leurs ingrédients chimiques primaires constitutifs; ces éléments récupérés étaient alors recyclés pour la survie des générations suivantes. En somme, un “soleil vert” amélioré!

il y avait dans le vaisseau tout ce qu’il fallait pour s’instruire, livres, vidéos, ordinateurs, pour savoir d’où ils venaient depuis les hommes de Cro-Magnon, et où ils se rendaient; il leur était calculé à la seconde près et au gramme près les heures d’information, les heures des repas, des besoins naturels, y compris sexuels… des séances d’information sur le passé et l’avenir, et des corvées de nécessité vitale, comme le largage dans l’espace de déchets de toutes sortes. Bref, au bout des 4000 ans, le vaisseau arriva sans encombre sur une planète rocheuse glaciale, seule exoplanète de cette étoile si désirée, seul havre possible, à 2 milliards de km d’alpha centauri A. Dans le vaisseau, sur les milliers de passagers initiaux, il ne restait qu’une poignée de voyageurs hagards, déshumanisés, silencieux, ne comprenant rien à ce qui leur arrivait. Pas d’air dehors (tous les scaphandres possibles avaient été embarqués), mais une température moyenne de moins 100 Celsius. Une lumière grise universelle, un silence absolu, de la roche bleuâtre à perte de vue avec des petits monticules tranchants comme de l’acier. Il n’y avait plus qu’à attendre la mort. Tous finirent par fuir cet enfer en s’enfermant prématurément dans les désintégrateurs, tous pressèrent les boutons, et le récit s’arrêtait là. Tout ça pour ça!

Parmi les fans des exoplanétistes, il en a existé un de haut en couleurs, qui fit du bruit! Stephen Hawkings, ce pauvre cosmologiste handicapé sur sa pauvre chaise roulante, qui fit tant parler de lui. Sur sa fin, il était quelque peu fatigué. Epris d’écologisme, il découvrit sur le tard que l’humanité avait de gros problèmes de pollution universelle qui menaçaient notre avenir à tous. Il imagina non un vaisseau pour s’évader de notre planète selon lui irrécupérable, mais un pont géant, de la Terre à alpha centauri, qui devait servir à l’humanité pour se transporter sur ces nouveaux espaces vitaux espérés dans les cortèges planétaires de cette triple étoile (le pauvre homme est décédé avant la découverte de la réalité sur les exoplanètes de cette étoile triple).

Stephen Hawkings avait dessiné lui-même l’architecture de ce pont de 4 × 1013 de long : une sorte de construction de Gustave Eiffel, infinie, à perte de vue….Je me souviens de l’un de ces croquis, reproduit dans diverses revues du style “Science et avenir”. Il ne lui est pas venu à l’idée d’essayer de calculer la masse d’un tel ouvrage, et ne s’est jamais demandé s’il était possible de construire un tel ouvrage restant solide au sens physique du mot. Pourtant, une estimation réaliste modeste est aisée : la tour Eiffel mesure 313 m de haut et pèse 7000 tonnes. On peut donc estimer à 25 000 tonnes d ’acier par km la masse de ce pont. Ce qui nous fait 4 × 1018 tonnes.

La masse totale des océans de notre Terre est environ 1,2×1018 tonnes. La masse totale de nos continents, comptée depuis le niveau actuel des océans, est moindre : 1018 tonnes. En tout, 2,3×1018 tonnes pour vider tous nos océans et raser tous nos continents pour combler les vides de l’eau retirée. Cela ne fournirait même pas la moitié des métaux nécessaires, même si on savait transmuer tous les minéraux en acier. Donc, ridiculement irréaliste….pardon à Stephen Hawkings et paix à son âme….

Second obstacle : la vérité mathématique oblige à parier qu’aucune exoplanète suffisamment semblable à la Terre pour songer à y transporter l’humanité n’a jamais existé et n’existera jamais.

Personne (y compris moi) ne s’est encore attelé au travail suivant : estimer la probabilité qu’il a existé et qu’il existe, dans quelque galaxie, au moins une exoplanète identique à notre Terre.

L’immensité de l’univers actuellement “observable” nous impressionne (il faudrait préciser cet adjectif “observable” dans un contexte où ce qu’on voit des galaxies est de la lumière émise par des étoiles hypothétiques il y a des milliards de nos années); il vaudrait mieux écrire quelque chose comme “concevable” plutôt qu’ “observable”. Un milliard de galaxies de chacune des 1011 étoiles, cela ne fait jamais que 1020 étoiles. En admettant que la moyenne soit une exoplanète par étoile, on n’arrive qu’à 1020 exoplanètes. Ce nombre n’a rien d’impressionnant. En Physique atomique, on a couramment affaire à des nombre de particules autrement grands! Voyez le vulgaire nombre d’Avogadro : 6,022114076 × 1023 , c’est le nombre de molécules d’eau dans 18 cm3 d ’eau à température et pression ordinaires. Et dans ces 18 grammes d’eau, 6,022114076×1024 électrons!

Petit calcul :

Nombre d’électrons dans la totalité des océans; réponse : environ 4 × 1048 ! Donc l’infiniment petit fourmille bien bien plus que l’infiniment grand! Si on veut estimer une probabilité de l’existence d’une exoplanète très sembable à la Terre, il va falloir regarder de près dans l’infiniment petit, vu la variété inimaginable des produits chimiques moléculaires à prendre en compte.

Le satellite galiléen Io de Jupiter est certainement recouvert d’une couche de soufre d’un bon mètre d’épaisseur. Imaginnons une planète où il y aurait de l’arsenic un peu partout…etc…

Mon sentiment personnel est que la probabilité de l’existence d’une exoplanète ressemblant suffisamment à notre Terre pourrait bien être de l’ordre de 1/N, où N désigne un nombre entier inaccessible au sens d’Emile Borel. J’aimerais bien connaître là-dessus le sentiment d’un savant plus compétent que moi (et de loin!) en Physique atomique.

Emile Borel qualifiait d’inaccessible un entier qui n’a jamais été conçu ni pensé et ne le sera jamais durant toute la vie biologique de l’espèce humaine :il suffirait donc de penser à un nombre particulier pour qu’il devienne accessible. Borel conclut à l’existence des nombres inaccessibles parce que l’ensembles des nombres entiers est infini. Tout cela est moins évident qu’il n’y paraît, car cela pose des problèmes philosophicologiques inextricables sur ce qu’on appelle l’infini.

Or justement, dans l’univers observable il ne peut exister qu’un nombre fini d’exoplanètes (là encore, il faudrait voir de près la signification de “exister”…

FIN

Le Rebelle Occitan

Post-scriptum : le crime de Copernic.

Dans le livre “Daniel” de la sainte Bible de Jérusalem, se trouve un passage que je résume ici : “lorsque le peuple  uif arriva à Ayyalôn, il entreprit d’en massacrer tous les habitants pour s’y installer. Mais le soir tombait.  eur chef implora Yahvé qu’il arrête la course du soleil. Yahvé accepta; les Juifs purent ainsi achever le massacre, puis le soleil reprit sa course.”

Luther, chef des protestants, accusa Copernic d’hérésie parce qu’il soutenait que c’est la Terre qui tourne autour  u soleil et non l’inverse. “Le fou”, disait-il,”va contre les Saintes Ecritures, puisque Yahvé a commandé au soleil  e s’arrêter”, et non à la Terre. Donc c’est bien le soleil qui bouge, et non la Terre. Donc, le fou insulte les saintes  critures, on doit le condamner au bûcher”.

Des esprits forts, experts en critiques systématiques, ont depuis longtemps minimisé Copernic. Bien sûr, l’acharnement de Luther contre lui n’est certes pas un sujet de gloire et de fierté pour les croyants de certaines religions, d’où ce désir de minimisation.

Dans le but d’atténuer ce scandale, ces esprits forts ont exposé que ni Copernic ni Ptolémée n’avaient tort ou raison, car tout est une question du choix du repère. Selon eux, le choix d’un repère peut être arbitraire, et du point de vue logique, la théorie de Ptolémée (où l’on choisit comme références des repères géocentriques) et celle de Copernic (où l’on choisit comme références des repères héliocentriques) sont aussi exactes l’une que l’autre. Donc les deux séries de conséquences qu’on en tire pour décrire le Cosmos se valent, aucune des deux n’étant ni vraie ni fausse dans l’absolu. Ces détracteurs expliquent donc que tout est relatif au choix des repères de référence.

Effectivement, à première vue, ces détracteurs disent vrai : la cinématique ptoléméenne conduit à une description complexe mais valable de ce qu’on observe aisément, et le calendrier julien, qui en découle, a tenu le coup jusqu’au seizième siècle de notre ère ! Mieux: tout au début de la diffusion des idées de Copernic, les calendriers « ptoléméens » étaient supérieurs, en précision, à ceux de Copernic, car ce dernier avait imaginé que les trajectoires des planètes calculées dans les systèmes de référence héliocentriques étaient circulaires, ce qui est faux. Mais cette fausseté n’était pas grossière, les vraies trajectoire étaient elliptiques mais avec des ellipses très proches de cercles, leurs excentricités étant faibles (0,01671022 pour l’écliptique).
Ainsi ces détracteurs triomphaient bruyamment, expliquant que « tout est relatif car tout dépend du choix du repère, et ce choix peut être arbitraire ».

Il a fallu attendre Bertrand Russel, tout au début du vingtième siècle, pour définitivement tordre le cou à ces divagations. Dans son magistral ouvrage
« problèmes de philosophie » (seulement 180 pages), il remet les pendules à l’heure en rendant à César ce qui est à César (le ptolémaïsme) et à Dieu ce qui est à Dieu (la vision newtonienne du monde) ; sans Copernic, la théorie de Ptolémée était une « usine à gaz ». Déjà, la description des mouvements des planètes déduite des observations directes nécessitait la notion de « déférents » (premier stade des cercles centrés au centre de la Terre) et des « épicycles primaires » cercles centrés sur les déférents, puis les épicycles secondaires (cercles centrés sur les épicycles primaires), et ainsi de suite. Les épicycles primaires » permettaient une explication assez bonne des drôles de courbes observées dans le ciel pour des planètes comme Mars ou Vénus (courbes d’allure strophoïdales). Mais pour expliquer les courbes décrites par la Lune, les épicycles secondaires étaient obligatoires. Cela n’en finissait jamais, et à partir de ces seconds épicycles, la complexité devenait vite décourageante : plus on raffinait, plus ça se compliquait monstrueusement. Déjà les satellites galiléens de Jupiter posaient des problèmes insolubles.
Copernic, avec son héliocentrisme imprécis parce que légèrement faux, au lieu de compliquer la description de l’univers observable, la simplifiait extraordinairement. C’est cette simplification qui ouvrit la voie aux théories newtoniennes des mouvements des astres du système solaire dans le Ciel.

Lorsque Newton, juste après Galilée, paracheva la nouvelle astronomie avec sa gravitatioin universelle, les connaissances astronomiques progressèrent à pas de géant. On n’imagine pas les trésors des oeuvres de Galilée, et surtout de Newton. Quand on les consulte, on est admiratif devant les raisonnements de Newton : par exemple, en considérant que les trajectoires newtoniennes de planètes étaient des coniques (ce qui était révolutionnaire mais d’une exactitude fabuleuse), Newton imaginait des solutions merveilleuses de géométrie euclidienne pure pour, par exemple, calculer exactement la conique décrite par telle ou telle comète avec seulement trois observations à la lunette de Galilée. Ces solutions étaient des bijoux de géométrie euclidienne dignes de l’ancien « Concours Général » qui plaisait tant aux lycéens des classes de « Mathématiques élémentaires (alias « Mathélem) » supprimées haineusement par Monsieur Jospin dans sa rage égalitariste. Ces merveilles n’ont pris aucune ride, les meilleurs spécialistes de ces cours sur les coniques n’auraient pas fait mieux !

Ainsi, la théorie héliocentrique de l’univers, conséquence directe des idées de Copernic, a multiplié par un facteur incommensurable les connaissances astronomiques. A la Cité de l’Espace de Toulouse, chacun peut véfifier, en parlant aux ingénieurs qui lancent des satellites artificiels, que les calculs précis, dont le succès est manifeste, sont tous, sans exception, exécutés dans le cadre de la conception newtonienne de l’astronomie. En fait, toute la cinématique du système solaire n’a besoin, pour être décrite, que de cette conception newtonienne. Tous les calculs des missions Apollo ont été exécutés dans ce même cadre newtonien ! Le rendez-vous exceptionnel de la sonde Voyager 2 avec Neptune (11 secondes d’écart avec les prévisions après douze ans de périple interplanétaire) force le respect.

C’est pourquoi, explique Bertrand Russel, la théorie de Copernic et ses successeurs principaux Galilée et Newton, est infiniment supérieure à celle de Ptolémée : car cette théorie a fait faire des bonds en avant prodigieux à la connaissance du monde. En élargissant le monde intelligible, on a élargi notre esprit.

La bonne conception de ces connaissances fonctionne comme il suit : l’homme crée des {\it modèles} et il en tirre toutes les conclusions possibles. Les bons modèles sont ceux qui augmentent le plus et le mieux le champ des connaissances humaines. Ainsi, ces modèles ne sont pas tous égaux, et on peut les classer de façon logique. Ce classement est plus complexe qu’on pourrait croire (ce n’est pas un ordre total), car il peut exister des modèles parallèles, selon tel ou tel aspect du monde qu’on privilégie.

Ainsi la Physique atomique a des modèles qui ne concernent qu’elle. L’astronomie moderne a ses modèles relativistes au niveau macroscopique (au sens des théories de la Relativité de Poincaré et Minkowski, puis Einstein et ses successeurs).

C’est ainsi que l’on réhabilite Copernic le proscrit, le galeux qui se permettait de critiquer les croyances religieuses de son temps, et qu’il fallait brûler, uniquement parce que ces croyances ne cadraient pas avec ce qu’il observait en réfléchissant.

Laisser un commentaire

Votre commentaire sera publié apres contrôle.



19 Commentaires

  1. (4e suite) Eux-mêmes le disent : nous avons encore tout à découvrir. Nous ne savons encore rien de tout ce que nous découvrirons dans le siècle qui vient. Deviendrons-nous maîtres de l’espace-temps ? Trouverons-nous des couloirs dans le cosmos nous permettant de gagner du temps dans nos voyages ? Est-ce que les extra-terrestres sont nos descendants qui remontent le temps pour venir nous visiter ? Nous devons garder l’esprit ouvert, curieux, mais combien d’humains pourront supporter les connaissances venant du Futur ? Je rappelle que la plupart de l’humanité ne sort qu’à peine de Cro-Magnon… Nos migrants sont nés dans des huttes et n’ont aucune connaissance de la morale, de la civilité, n’ont aucune culture, nous avons beaucoup de travail sur la planche. Nous ne pouvons pas savoir aujourd’hui ce que sera notre avenir dans UN SIECLE, alors dans DEUX OU TROIS SIECLES !!!

  2. Des arches immenses avec des voiles d’or et de titane faisant des kilomètres de long, sont prévues pour des voyages longs sur plusieurs générations humaines. Les vents solaires sont prévus pour reposer les moteurs et économiser le carburant quel qu’il sera. Des aires de repos pour se ravitailler sont également prévues dans le cosmos. Sur Sciences et Vie TV vous trouverez des interviewes des astrophysiciens du monde entier, spécialisés dans ces recherches. OK, moi aussi j’ai parfois le vertige en les écoutant. Et pourtant ce sont les recherches actuelles. A mon grand étonnement, les Japonais sont parmi les plus brillants.

  3. (2e suite)
    Les changements universels nous poussent vers la technicité future qu’on ne veuille ou pas. Même si notre Terre ne sera pas avalée par le Soleil géante rouge avant environ 3,5 à 4,5 milliards d’années, nous ne savons pas si la température de notre planète nous permettra d’y vivre encore 200 ou 300 ans !
    Donc nous sommes pris par le temps et nous devons nous hâter à avancer scientifiquement. Nous devons créer des générations d’ingénieurs de haut niveau et non pas des imbéciles ignares comme nous le faisons actuellement.

  4. (Suite) Je n’ai pas douté une seconde de vos connaissances en astronomie, mais je vous confirme à nouveau que nous ne sommes sortis de la traction animale durant la guerre de 14-18, il y a un siècle, que depuis nous avons fait beaucoup de progrès et que nous avons encore beaucoup de progrès à faire pour pouvoir survivre à la durée limitée de la Terre.
    Que nous ne connaissons que 20% de l’Univers et que nous cherchons toujours qu’est-ce que la matière noire. Que les ondes infra-rouges, ultra-violets, les rayons Gamma, etc. n’ont été découverts que tout récemment, et qu’il y a encore beaucoup d’ondes à découvrir. Donc que nous avons besoin d’ingénieurs de haut niveau et que nous ne pouvons pas rester comme le souhaitait un contributeur, au niveau de la charrette tirée par des boeufs.

  5. Je viens de découvrir cet hallucinant article et alors que je pensais que notre petite chamaillerie était rangée dans les archives de Réseau Libre, je constate que vous l’avez vraiment prise à cœur…
    Petite coquille : c’est ALDEBARAN de nom de l’étoile supergéante rouge et non pas Aldéraban comme vous l’avez écrit.
    Les Arabes ont donné leur nom aux étoiles et la Mythologie Grecque aux constellations.
    (à suivre)

    • Cet article n’a rien d’hallucinant mais est remarquable. Vous devriez cesser de vouloir vous mesurer à une sommité comme BIIIP [je ne dévoilerai pas son nom, mais je lis ses bouquins et me régale, bien que bien loin de son niveau!]. Etudier la Nature c’est bien mais ça ne remplace pas le calcul intégral.

      • @ Docteur MABOULE : Personne ne vous a sonné !
        C’est un échange entre Terminautore et moi. Occupez-vous de vos fesses.
        Vous n’avez rien compris, cela vous dépasse !!! Fermez-la, parasite !

  6. Merci à vous pour ce brillant exposé !
    En outre vous mettez en exergue des connaissances qui montrent que les patriotes de réseau-libre sont dans une large majorité des personnes instruites !

    • @Raoul SALAN

      Votre remarque sur les personnes instruites de RL, je l’ai déjà faite depuis longtemps. Je pense à ces lecteurs lorsque j’ai l’honneur d’écrire dans RL et je fais de mon mieux en pensant à eux. Il y a parmi ces lecteurs de nombreuses personnes de haute qualité, c’est une certitude !

  7. Je me permets ici deux remarques :

    1) le nombre d’étoiles estimé de la Voie Lactée est 10^(11) et non 1011, comme il est écrit dans le texte, c’estb évudemment une coquille.

    2) autour de la relation (18), $r_0$ désigne la distance de $O$ (centre des orbites terreste et martienne- au point $A$. Il y a là un gap dans le texte, qui vient sûrement de moi et je présente mes excuses à nos lecteurs.

  8. Un régal pour l’esprit. Merci !
    PS : J’ai cherché à vous joindre sans succès suite à votre série exceptionnelle sur les véhicules électriques.
    Je m’interroge sur les prétendus moteurs à explosion à l’hydrogène …

    • L’hydrogène est une impasse inventée pour faire passer la pilule de l’abandon criminel d’Astrid. Les élites françaises d’ “En Haut” font semblant de désirer une relance du nucléaire civil alors qu’ils n’en ont pas les moyens. La matière grise des sciences atomiques a fui le pays, c’est irratrapable. Même Flamanville est hypocritement largué, alors que c’est déjà une tehcnologie trop ancienne. Aujourd’hui, la puissance économique remplace l’or, et cette puissance économique dépend de la capacité énergétique. Notre énergie nucléaire étant sabotée à la plus grande joie des élites allemandes actuelles (si bien représentées par Der la hyène), les français ne sont pas près de voir bâtir chez eux de nouvelles unités nucléaires modernes. On leur cache que la 4ième génération résout à 99,5 % la question des (mal nommés) “déchets”, et que les équipements nucléaires chinois dépassent les nôtres, trop vieux.

      • Merci.
        Ma question était simplement technique.
        Je ne comprends pas comment on peut prétendre remplacer un moteur par exemple diésel 500CV de camion par un moteur à explosion fonctionnant à l’hydrogène.
        Les lois de la chimie et de la physique me disent que ce n’est pas possible.
        Votre avis éclairé ?

        • mon avis (je ne sais s’il est éclairé) me dit que rien ne remplacera le diesel 4 temps tant qu’on ne sera pas passé à la propulsion atomique. Le diesel est une des plus pures merveilles du monde. Nous sommes condamnés à nous débrouiller pour synthétiser et découvrir constamment (en même temps) de grandes quantités de fuel pur. Sinon, nous régresserons,ce qui sera un couop très dur pour l’humanité, peut-être fatal.

          Peu de gens comprennent combien ce moteur à combustion interne conçu par Diesel (qui n’en a jamais touché un centime) est une des plus pures créations de l’exprit humain.

          On n’est certes pas près de le remplacer !

    • Je plussoie sur la qualité de l’article.

      Que penser de Elon Musk et de sa StarShip? Il prétend vouloir envoyer 10 astronautes, le japonais Yusaku Maezawa et 9 autres personnes de son choix pour un vol de contournement de la lune.
      Maezawa n’est pas un novice. Il a effectué un vol vers la station spatiale internationale avec un séjour d’une semaine, lui et son assistant Yozo Hirano. Le véhicule étant un Soyuz lancé depuis Baikonur.
      Ils ont suivi un entrainement complet à la Cité des Etoiles avant d’effectuer leur vol spatial. Maezawa, un homme d’affaires avisé, a tout financé de ses deniers.
      Il financera également le vol spatial autour de la lune avec sa société privée SpaceX et Star Ship.

      Est-ce bien raisonnable d’envisager un succès pour Star Ship? Elon Musk prétend vouloir effectuer des vols vers Mars.