Malika et le saucisson magique V

V- Le Saucisson frappe encore

Alors que ces évènements dramatiques se déroulaient dans la capitale, à 800 km de là, dans la bonne ville de Marseille, désormais capitale de la région Maghrebo- Provençale, les festivités de fin d’année scolaire avaient lieu.

Le maire Ben Godinet comme chaque année recevait en sa mairie les élèves les plus méritants et leurs parents pour leur décerner le croissant d’or de la ville.

  • Aaaaaahhhh que j’aimmeuuu être au milieu de cette jeunesseeeeuuuu, allez allez tous autour de votre bon mairrreeeuuu. Poueteeeuuu Poueteeeuuuuu !

La vingtaine de gamins se rassembla autour du bienfaiteur de la cité phocéenne. La presse locale écrite et télévisuelle était présente, ainsi que plusieurs photographes dont un qui visiblement n’était pas de la région, car inconnu des locaux.

  • Farid tu le connais celui là ?

  • Non Miloudi, jamais vu, doit être de Paris

  • Putain ho ! Il va être célèbre Godinet

  • Ouaiiihoooo !!

Pendant que les journalistes locaux discutaient, le mystérieux photographe flashait, indifférent à l’environnement. La quarantaine, de corpulence svelte et sportive, il avait les cheveux noirs passés au gel, le teint mat, son visage masqué en partie par des lunettes de soleil reflétait une certaine dureté. Il interpella le maire.

  • Monsieur le maire, c’est pour le journal Al Wattan d’Alger, je voudrais une photo avec les gosses.

  • Putain enculé de con c’est pas un parisien ! Dit Farid à l’adresse de son confrère Miloudi.

  • El Wattan, c’est très imporrrtant, c’est un honneeuurreeeuu pour moi et la villeeuu, bien sureeeuu que l’on va vous donner cette photo môssieuuuu..

Répondit l’édile bedonnant.

  • Alleeezzzz alleezzzz les enffants, tous devant et moi bien derrièreeeuu, tiens toi comment tu t’appelleeeeuuu ?

En désignant un des lauréats qui visiblement semblait plus dégourdi que ses compères.

  • Hocine Môsssieeeeuuuu le maireeeuuuu

  • Et tu as quel ageeuu ?

  • 9 ans hoooééééhoooo !

  • AAAhhhh comme la petite Aïcha, tu connais Aïcha ?

  • Oui môssieuuu le mairreeeuu, c’est celle que le prophète il l’a niquée à sec !! L’assistance éclata de rire de bon cœur, et applaudit en entendant la réponse

innocente du jeune lauréat. On entendit même les youyous stridents des mères de familles présentes.

  • T’as vu Miloudi, le gars d’Al Wattan est resté impassible !

  • C’est ça le professionnel, la presse internationale ! Putain con, mais c’est vrai qu’il a pas l’air marrant dis donc.

  • AAAhhh !! Tu as bien étudiée à l’écolleuuuu, tu mérites ta récompenssseeuu, tes parents doivent être fiers de toi. Où sont ils ?

Le jeune désigna une femme voilée plutôt mince qui était restée légèrement en retrait, on n’apercevait que ses yeux noirs, elle salua poliment le maire et le remercia, visiblement elle ne souhaitait pas engager plus la conversation respectant ainsi les préceptes du Saint Coran.

  • Allleeezzz vieeenns on va faire une photo avec toi sur les genoux de tonton Godinet, vous êtes d’accord môssieeeuuuur le photographe d’Al Wattan et vous Madameeuuu.

Le photographe acquiesça de la tête, ainsi que la mère. Ben Godinet pris par la main le jeune Hocine, s’installa sur son fauteuil et le serrant délicatement le posa sur ses genoux, posant sa main adipeuse sur la cuisse du gamin.

  • Parfait, elle est dans la boite Dit le reporter qui froidement exécutait son travail.

  • Et on pourrait en prendrreeuu une dernièreeeuuu avec Hocine qui embrasseuuu tonton Godinet, qu’est ce que vous en pensez môsssieeuurr et vous madammeeuuu ?

Le photographe esquissa un léger sourire, mais si l’on avait vu son regard sous les lunettes de soleil il était terrifiant, d’une dureté implacable. Le Poussah municipal ne se souciait pas de cela, tout occupé avec le jeune Hocine.

  • C’est bon monsieur le maire, j’ai tout ce qu’il faut, si vous le voulez je vous ferai parvenir les images via votre adresse mail.

Dit sans émotion d’une voix calme l’insolite journaliste.

  • Merreeeuucii mon bravveeeeuu, adressez-vous à mon directeurrrreeuu de cabinet, il vous dira comment fairreeeuuuu, vous restezzz avec nous pour la réceptionnn ? il y a une bouillabbaisseeeuu halal, elle a le certificat de l’imam Enti..

  • Merci monsieur le maire, mais je dois partir, travail oblige hélas..

  • T’as vu, je te l’ai dit Miloudi, pas un rigolo, boulot boulot..

  • Putain, on est bien mieux à bosser ici Farid, t’es sur qu’il est algérien ?? arff allez on va se taper le buffet sinon y aura plus rien, y a de la saucisse de volaille halal.

Le photographe prit congé de ses hôtes et quitta rapidement la salle des fêtes de la mairie, il ne jeta même pas un regard vers le buffet dressé autour duquel les éternels rapaces s’affairaient.

Le maire quant à lui s’était éclipsé dans un bureau discret avec le jeune Hocine.

Le reporter du célèbre quotidien algérois à peine sorti de la mairie se dirigea vers la Cane tout court, le mot bière ayant été supprimé pour ne pas indisposer la communauté musulmane. Il en était de même pour le Vieux Port désormais baptisé Vieux Bassin. De temps à autre il jetait furtivement un regard derrière lui comme s’il craignait d’être suivi. Arrivé sur ce qui fut l’artère prestigieuse de la ville mais qui n’était plus qu’un cloaque tiers-mondisé il eut un haut le cœur à l’odeur levantine du quartier. Il faut dire que Marseille était devenue une poubelle à ciel ouvert, le réceptacle naturel des immondices de l’ensemble de la planète, et la racaille y faisait régner sa loi. Ce n’était pas pour rien si la série télévisée d’Al Francarabia la plus populaire était « Poubelle la Ville ».

La célèbre Bonne Mère a été dans le cadre du dialogue inter religieux transformée en centre cultuel islamo-chrétien avec l’accord de l’évêque qui pour montrer sa volonté de rapprochement s’est converti à la religion de paix.

Notre personnage énigmatique continuait imperturbablement sa marche vers un lieu connu de lui seul. Bientôt après avoir traversé la Cane tout court il se trouva devant la devanture d’un établissement nommé « Au Thé à la menthe joyeux » qui se trouvait sur une place piétonnière typique de la cité méditerranéenne.

  • C’est là ! Le plan était exact, attendons l’heure. J’aurais peut être dû rester à la réception finalement, mais vraiment le spectacle de ce Ben Godinet m’a écoeuré, quel immonde porc, comment les gens peuvent-ils voter pour une ordure

pareille ? Et puis j’aurais pu assister à la découverte de la surprise, héhéhé, mais bon sécurité avant tout, pas de risques, et puis je vais pouvoir observer tranquillement.

Il prit alors quelques photos pour patienter et donner le change vis-à-vis des passants, de toute façon en cas de problème il lui suffisait de sortir son passeport algérien.

Pendant qu’il vaquait à son occupation, la réception se terminait à la mairie. Le directeur de cabinet devisait avec le patron de la police municipale quand arriva une furie obèse tchadorisée qui hurlait:

  • Chiens d’infidèles ! Laissez moi passer !! Je veux voir le maire, c’est très important !

  • Qui est cette folle ? Chef arrêtez-la tout de suite !

Le chef de la police, un colosse de 120 kg, aussitôt tenta d’immobiliser l’espèce d’hystérique coranisée, mais il dû demander l’aide de trois de ses agents pour la plaquer au sol, celle-ci continuant à hurler.

  • Je veux voir le maire ! Je suis la mère d’Hocine !

  • Calmez vous madame sinon je vous fait boucler.

  • Le Maire !! Par Allah ! Je veux voir le maire ! Je suis la mère d’Hocine ! Le Directeur de cabinet à ces mots demanda à parler à la femme.

  • Madame cessez ce spectacle ridicule, la mère d’Hocine est ici. Il chercha de son regard cette dernière, mais ne la vit pas.

  • Elle doit être au buffet, envoyez un de vos hommes la chercher. Quelques minutes plus tard un des policiers revint.

  • Désolé chef, elle a du partir avec le gamin, elle est introuvable. Le directeur de cabinet aussitôt répondit :

  • Hocine est avec le maire, on l’aurait vu sortir du bureau, d’ailleurs c’est étonnant que le patron ne soit pas venu goûter la bouillabaisse, c’est sacré pour lui. Je vais le chercher, il a dû oublier.

Pendant ce temps la furie continuait à hurler :

  • Je suis la mère d’Hocine ! Il n’est pas là ! Je veux voir le maire !

Le directeur de cabinet accompagné du chef de la police se dirigea vers le bureau particulier du premier magistrat, il frappa à la porte, pas de réponse, il frappa à nouveau plus fort, toujours pas de réaction, il colla son oreille contre la porte et il lui sembla entendre des gémissements. Il hésita un moment car il connaissait les habitudes particulières de l’édile. Mais pris d’une sourde inquiétude il forçat la porte, alors un spectacle effroyable s’offrit à leurs yeux. Le maire gisait nu, son corps flasque ligoté et son visage bâillonné, un saucisson enfoncé dans son fondement !!!

Et le petit Hocine était introuvable !! Par quelle diabolique machination cet enfant avait-il pu disparaître d’une pièce située au 2 ème étage ?

  • Vite, défaisons les liens.

Le maire fut rapidement libéré de ses entraves par ses deux fidèles subordonnés, ceux-ci ayant eu la présence d’esprit de fermer le bureau auparavant pour éviter les curieux.

  • Monsieur le maire ! Monsieur le maire ! Que c’est il passé ?

  • Une fois entré avec le petit Hocine, je lui ai proposé de voir ma collection privée de photos d’art, pendant que je cherchais dans mon secrétaire mon album j’ai reçu un coup derrière la tête. J’ai alors perdu connaissance et ensuite je me suis réveillé comme vous m’avez trouvé.

  • C’est incompréhensible, à part vous et ce gamin personne n’est entré et Hocine a disparu.

  • Au fait monsieur le directeur il y a cette femme, interrompit le chef de la police.

  • Oui, c’est vrai, interrogez cette femme, elle doit savoir des choses.

La furie avait été emmenée dans le bureau de la secrétaire générale de la commune, elle était solidement maintenue par deux gardes, mais semblait calmée.

  • Madame qu’avez-vous à nous dire ; où est Hocine ?

  • Hocine est à Alger depuis hier, il est parti avec son père

  • Arrêtez vos racontars, il était là avec sa mère, il a même été photographié.

  • Ce n’était pas mon Hocine je vous le dit, il est parti hier à Alger en bateau avec son père aux obsèques de son oncle.

Le chef de la police prit la parole.

  • Nous venons de vérifier l’identité de madame, elle est bien la mère d’Hocine Elglaoui.

  • Bien sûr bandes d’idiots que je suis sa mère ! Et si je suis venu ici en urgence c’est parce que tout à l’heure mon mari m’a téléphoné. Son frère, l’oncle d’Hocine, était bien vivant inch allah ! Quelqu’un avait imité la voix de ma belle sœur pour nous annoncer le décès. J’aurais dû être avec eux, mais ma mère qui vit chez nous est malade donc je suis restée la garder, en attendant j’ai allumé Télé Marseille et j’ai vu la cérémonie avec ce faux Hocine, après le coup de fil de mon mari j’ai compris que l’on a voulu nous éloigner, un coup de ces infidèles de gitans c’est sûr, voila ce que c’est de laisser venir n’importe qui, nous ne sommes plus entre marseillais de souche ! Naaaarddiinnn … (Pour la bonne tenue de ce récit les propos insanes de cette matrone sont censurés).

Les autorités présentes – car depuis le préfet et le servile procureur s’étaient rendus sur les lieux – d’abords incrédules, étaient bien obligées de constater que la femme disait vrai. Une terrible machination avait permis d’envoyer un faux Hocine et une fausse mère pour agresser de façon odieuse le bienfaiteur de la cité millénaire…

  • Quelle histoire ! Quelle histoire ! Surtout ne rien dire à la presse, un gosse de 9 ans qui enfile un saucisson au maire de Marseille, ça va nous ridiculiser encore ! Et comment a-t-il pu sortir ? La fenêtre est à 6 mètres du sol…

Ben Godinet ayant récupéré ses effets vint alors à la rencontre du Directeur de cabinet.

  • Dites moi mon braveuuuu, le saucisson vous l’avez gardé ?

  • Non, les services de police l’ont emmené pour examen

  • Ah, c’est facheeeuuuuxxx, mais vous pourriez me rendreeeeuuu un grand serviceeeeeeuuuuu !! Essayez de m’en trouver un autreeeeeuuu.

Le maire Ben Godinet semblait prendre cette affaire avec philosophie, et ne pas y attacher une grande importance, pourtant il était au cœur d’un terrible complot.

Qui est ce mystérieux photographe ? Que prépare t-il ? Qui sont Hocine et sa fausse mère ?

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