Chroniques du Grand Effondrement [7]

Note: Un chapitre remarquable!

CHAPITRE 7

Lucas passa la main dans la rugosité de sa barbe naissante. Neuf heures, la première coupure, puis l’électricité revint pendant un quart d’heure avant que tout s’éteigne définitivement. La lame du rasoir dérapa sur une mousse qui faisait penser à des œufs en neige. Un peu de sang se mêla à la masse crémeuse.

Landry était aux Restos du cœur pour ses bons d’alimentation et Mona n’était pas rentrée. Il devait encore se doucher, s’habiller en vitesse, boire son café, chier un bon coup et avaler un reste de chips tex-mex à l’oignon avant de filer au Commissariat. Il était d’une minceur musclée, le nez droit et les yeux clairs. Il serra le poing pour durcir son biceps, fier comme un adolescent, puis passa un peigne dans des cheveux où se distinguait déjà du blanc autour des tempes. Puis il passa la main sur son menton pour vérifier son rasage et caressa son médaillon de baptême. Il n’avait pas les traits de son père. Cela avait fait jaser dans sa famille. Il se demandait souvent s’il avait ceux de sa mère au même âge. Il ne gardait d’elle que peu de souvenirs et de rares photos sur un disque dur. Il n’avait pas cinq ans quand, refusant de se faner dans une vie terne, elle avait fait ses valises avant de disparaître vers un ailleurs qu’il imaginait comme une grande étendue bleue et froide.

La vie était à l’exact inverse des films. C’est pour cela que les gens aimaient le cinéma. Dans la vraie vie, ce sont toujours les gentils qui meurent les premiers, ils font des victimes idéales. Déjà dans la cour de l’école c’était les gentils qui se retrouvaient la gueule en sang. C’est peut-être pour cela qu’il avait choisi le métier de flic, pour éviter que les salopards ne se multiplient et envahissent le monde.Parfois, lors d’une patrouille, un malaise le prenait sans prévenir. Le sentiment que les passants se déplaçaient à une vitesse prodigieuse. Un moment, il croyait sentir la rotation puissante de la Terre sous ses pieds. Avant de réaliser que c’était impossible puisque tous les repères visuels se déplaçaient à la même vitesse que lui. Les seuls référentiels qui n’étaient pas liés à la Terre étaient les astres : des mondes trop lointains pour que la rotation de la Terre soit perceptible. Il savait que tout ça venait de l’intérieur.

Son équipier ne s’apercevait généralement de rien, Alex était trop occupé depuis la dernière vague d’attentats à scruter les passants dans l’espoir de repérer le comportement anormal d’un kamikaze chargé d’amphétamine : du Captagon trafiqué depuis l’étranger. Pourtant, Alex aussi avait ses moments de blues en se souvenant des planques de nuit dans le silence de parkings déserts, des flambées d’adrénaline qui lui mangeaient la tête, et de la peur aussi. Parfois, Alex s’énervait :

— On s’encroûte Lucas. C’est en périphérie que la guerre civile a commencé, celle qui ronge le pays comme la rouille mange la coque d’un vieux rafiot. Jour après jour, le pays se dissout. Personne ne sait quand les choses vont basculer, mais crois-moi, elles vont basculer.

Pour de nombreux Français, l’incapacité de l’Europe à endiguer l’immigration illégale en provenance du Maghreb et d’Afrique allait inévitablement conduire à une guerre civile ethno-religieuse. L’ombre du Califat se profilait derrière les réseaux de passeurs en Méditerranée avec l’objectif avoué de noyer l’Europe sous un flot humain comme celui qui avait fait disparaître les Amérindiens. La démographie africaine explosive assurait au Califat un réservoir illimité de Croyants désireux de rejoindre l’Europe.

Pour beaucoup, la question n’était plus de savoir si ce conflit allait se produire, mais quand il éclaterait. Les identitaires étaient persuadés que le temps jouait contre eux pour des raisons démographiques liées au différentiel de naissances et au flux migratoire et qu’il fallait hâter ce dénouement pour espérer avoir une petite chance de l’emporter. La caste politico-médiatique continuait de son côté à nier la réalité de cette invasion, elle évoquait le droitd’asile, parlait d’identité heureuse, et naturalisait à tour de bras avec des arrière-pensées électorales.

Deux mois plus tôt, Lucas avait accompagné Alex à un meeting monstre de Renaissance & Partage. Surnommée Rempart, l’organisation identitaire dirigée par Cyrus Rochebin avait supplanté un Front national qui s’était embourgeoisé jusqu’à paraître trop modéré à beaucoup de chômeurs et de précaires : ceux que la presse appelait avec mépris les petits Blancs et qui se considéraient comme moins bien traités que les réfugiés qui continuaient à affluer sous la pression démographique. Ces jeunes qui n’avaient que dix ans de moins que lui ne lui ressemblaient pas. Ils téléchargeaient des playlists de musique ultraviolente, des morceaux interdits de passage sur les médias officiels, un son électronique produit sur internet par des groupes alternatifs dont Lucas ignorait à peu près tout. Une génération sans illusions qui faisait froid dans le dos : des Aliens qui en voulaient à mort aux générations précédentes de leur avoir laissé le pays dans cet état.

Pour Rochebin, le péché fondateur avait été le regroupement familial décidé en 1975. En y repensant, Alex disait toujours “Même le pare-choc cabossé de notre Peugeot pourrie a plus de jugeote que ces enculés de politicards.”

Cyrus Rochebin était une légende dans la galaxie identitaire. L’incarnation sublime de tout ce que cette époque sombre avait de puissamment négatif. Certains le comparaient à Che Guevara, Lucas n’aurait osé le dire à personne, mais le leader lui rappelait plutôt le Christ ou l’Antéchrist. Il ne savait pas trop. Il émanait de sa personne une lumière noire, un charisme plus religieux que politique. Le comparer au Messie était étrange tant l’un prônait la violence et l’autre la paix. Pourtant, Lucas se souvenait vaguement de Jésus chassant les marchands du Temple : je ne suis pas venu apporter la paix, mais le glaive.

Comme le Christ, Rochebin méprisait la pauvreté, pas les pauvres. Il était le premier à mettre des mots sur l’affaissement de tout un peuple. Comment résoudre un problème que l’on refusede nommer? Alex expliquait que Renaissance & Partage avait les solutions pour redresser le pays.

— Tu vois Lucas, ce sont ces cafards qui nous pourrissent. Le criminel d’un jour se fait djihadiste pour justifier ses crimes et assouvir sa violence. Avec eux, on ne s’en sortira jamais. No future. J’ai pas appris grand-chose dans la vie, mais si un jour un mec me demande mon avis sur ce qui tourne pas rond dans ce putain de pays, tu sais ce que je leur dirais?

— Tu leur diras quoi Alex?

— Je leur dirais juste deux choses : les politiciens et les cafards. Les politiciens sont les plus obscènes. Ces grosses larves trahissent leur propre pays. La première urgence sera de liquider tous ces collabos suceurs de pine, mais crois-moi les bronzés viendront tout de suite après, qu’ils tournent ou pas leur cul cinq fois par jour vers La Mecque.

Lucas n’était pas contre le principe. Sauf que ça faisait quand même pas mal de monde à liquider, que ça prendrait du temps et demanderait pas mal d’efforts. Pour lui le problème à la base c’était la mentalité française et les comportements qu’elle induisait. L’adoration du peuple pour les crapules qui le volaient, ouvraient les frontières, ruinaient le pays. La période spéciale avait ramené le niveau de vie à celui du tiers-monde, rétablissant une indéniable cohérence entre misère mentale et dénuement matériel.

Le meeting ressemblait à une grand-messe avec ses fidèles, les yeux brillants d’exaltation, buvant les paroles du Prophète. Ses ennemis sarcastiques en ricanaient, parlant de la prochaine canonisation du Saint-homme : Cyrus le Bienheureux dont le seul miracle était de cristalliser les haines qui flottaient dans les esprits depuis des années, les conclusions que son public était incapable de formuler clairement. En l’écoutant, Lucas avait pourtant l’impression que, pour la première fois, quelqu’un nommait ses peurs, ses fantasmes, ses espoirs, ce malaise qui, depuis des années, rongeait l’âme de la France.

En quelques mots, Cyrus dessinait un horizon radicalement nouveau. Il n’assénait pas de vérité révélée, mais semait des réflexions suivant le fil sinueux de sa pensée, de petites graines qui germaient et menaient invariablement à une conclusion qu’il se gardait bien de formuler à la place de son auditoire. Celui-cis’attachait alors d’autant plus aux constats qu’il avait l’impression de les avoir lui-même établis.

Là où les autres politiciens n’avaient à la bouche qu’endettement, fiscalité et sacrifices, Cyrus parlait bon sens, valeurs humaines, patriotisme, esquissant avec passion la possibilité d’un avenir loin des tristes syndics de faillite au pouvoir. Il revisitait la théorie marxiste de l’aliénation. Quand on lui rapportait les objections des détracteurs qui pointaient ses incohérences, affirmant que sa pensée n’était qu’un fatras philosophique nappé de verbe ampoulé, une escroquerie de la logique partant du vrai pour aboutir au faux, il avait beau jeu de montrer d’un geste de la main que le naufrage du pays suffisait à disqualifier ses contempteurs.

— Les apparatchiks de la vérité devraient appliquer à leur propre pensée la même vigilance que celle qu’ils exercent vis-à-vis de la nôtre. Plus notre message devient audible, plus leurs agressions se perfectionnent, comme autant d’anticorps destinés à défendre les intérêts des castes en place.

En sortant du meeting, Alex avait dit : on ne résout pas les problèmes avec ceux qui les ont créés. Les adversaires de Cyrus expliquaient qu’il n’avançait aucune solution crédible aux problèmes concrets du pays. Les intellectuels ajoutaient que la haine de la liberté prenait souvent le masque de sa défense. Mais ils s’adressaient à la raison alors que Cyrus parlait au cœur des hommes comprenant que la politique est affaire d’émotion et de rêve.

Ses opposants dénonçaient un discours attribuant les échecs de la France à des tiers. Ils moquaient son pathos, parlaient d’évidente imposture intellectuelle, mais le peuple, sourd à leurs arguments, était convaincu que c’était justement eux, les imposteurs : ceux au pouvoir depuis tant d’années et dont les échecs étaient le meilleur argument de Rempart. Rochebin lâchait alors avec un sourire :

— N’écoutez pas ceux qui vous ont menés au désastre et vous expliquent maintenant comment en sortir.

Quand Lucas débarqua au commissariat, Alex avait déjà allumé une cigarette pour se réchauffer. En tirant une taffe, il pensa à l’époque où il patrouillait dans cette jungle urbaine nommée banlieue. Un biotope périphérique où la racaille prospérait au-delà de toute espérance. À partir de douze ans, les gosses de la Cité de l’Europe commençaient leurs conneries : pendre des chats, leur crever un œil, brûler vif le plus de chiens possible, arracher les sacs des vieilles dames, incendier les poubelles avant de passer aux choses sérieuses.

Les flics escortaient les pompiers. Des Robocops armés de flashballs qui regardaient brûler les immeubles pendant que l’on déroulait des tuyaux autour des gerbes d’étincelles du brasier. Des guerriers casqués de protège-nuques déployaient les échelles : une horde mongole montant à l’assaut de cités orientales. Des nuits pleines de spasmes violents comme le siège d’une acropole antique. Un incendie ressemblait à une nuit d’amour, des vagues plus intenses se succédaient, des bouffées de chaleur entrecoupées de moments de calme. Malgré l’horreur, ce spectacle en Cinémascope le fascinait. Un coup de poing en plein plexus. Alex comprenait presque les pyromanes tant il se dégageait de la destruction de masse une beauté terrifiante et sublime.

Au petit matin, le brasier enfin maîtrisé, les guerriers en sueur cernaient la carcasse d’acier enveloppée de brumes : des phalanges d’hoplites épuisés autour d’un monstre préhistorique. Des badauds indécis venaient en famille autour de la ruine fumante. Une foule étrangement silencieuse, parmi laquelle se tenaient – anonymes – les incendiaires venus admirer leur travail, soudain conscients de la gravité du monde. Mais l’effet gueule de bois ne durait jamais très longtemps. Ceux qui avaient goûté à l’ivresse de l’incendie recommençaient toujours.

Si les gosses mettaient le feu à leur quartier, leurs frangines fardées de vice n’étaient pas en reste, branlant les hommes dans les caves contre une pièce. Il se souvenait d’une gamine de onze ans qui s’était mise en ménage avec une gousse qui aurait pu être sa mère. La vieille crevait de jalousie et dérouillait sa jeune compagne quand elle découchait. C’était à Villiers-le-Bel rebaptisé par le Crabe, son patron de l’époque, Villiers Abdel.Il se souvenait des visages éclatés de types attachés au parechocs d’une caisse volée, d’adolescentes aux cheveux collés de sang se protégeant sous les voitures pour échapper à la meute, d’autres filles au regard brisé que les femmes policières ramassaient à la petite cuillère après des mois d’interminables tournantes dans les caves.

De toute éternité, il y avait les loups et les proies, engluées dans une étrange somnolence. Presque consentantes. Il n’y avait plus rien de vivant en elles, ni rancœur ni hostilité, juste un fatalisme abyssal et un mépris silencieux envers la puissance publique dont les flics étaient les derniers représentants sur Terre. Des nuits à faire le guet pour baiser des ordures qui feraient n’importe quoi à n’importe qui, sans des flics pour les en empêcher.

La violence emportait tout, à commencer par ce résidu de l’histoire appelé le prolétariat. Un terme si désuet que son simple emploi faisait rire. Un terme qui décrivait ces gens ordinaires, vieillis avant l’âge, usés jusqu’à l’âme, le visage plein d’une lassitude infinie.

Les rares victimes osant porter plainte déménageaient pour échapper aux impitoyables représailles qui ne manqueraient pas de les cibler. Les exfiltrations en langue de flics. Les gens honnêtes fuyaient à la cloche de bois comme des voleurs. Le monde tournait à l’envers et l’état fermait les yeux pour ne pas voir le réel.

Il se souvenait de sa première planque avec le Crabe à l’entrée d’une cité HLM aux couleurs pisseuses pour surveiller un deal. Des choufs leur avaient tourné autour, vrombissant sur leurs mini-motos comme des coléoptères venimeux. Trois bodybuildés s’étaient alors pointés en béhème décapotable. Leurs muscles hurlant qu’ils n’étaient pas du genre à laisser les keufs céfrans pourrir leur business. Leur rap hurlait Brigitte femme de flic, un remix de Ministère A.M.E.R. parlant de buter les keufs et de niquer leurs meufs.

Aucune force d’état ne peut stopper une chienne en rut,
surtout pas la putain d’un flic de pute.
Brigitte se fait culbuter, Brigitte se fait sodomiser

Le Crabe n’avait pas moufté. Les enfoirés qui s’étaient arrêtés à leur niveau leur firent signe de baisser la vitre.

À quatre pattes, la femme du shérif aime sucer les négros
tout le monde dans la cité n’a cessé de l’enculer.

Avec un vague sourire, le Crabe avait appuyé sur le bouton électrique. Ses yeux gris avaient la froideur d’éclats de glace.

— Super le rap que vous écoutez les jeunes…

— Vous avez rien à foutre ici les gouères, avait craché un serpent avec des motifs maoris sculptés à la tondeuse sur le crâne.

Les autres avaient des regards de tueurs, le modèle standard du salopard capable de pourrir toute une cité. Discrètement, le Crabe lui avait fait signe d’armer le Flash-Ball avant de répondre.

— Pourquoi? C’est réservé aux fils de pute ce quartier?

Ces fouines puantes avaient hésité un instant. Des connards qui se la pétaient gangsta rap, le flingue enfoncé dans le calbut. Ils ne s’attendaient manifestement pas à ce genre de réponse. D’habitude, les flics baissaient les yeux et détalaient comme des lapins.

Les jeunes de la cité sont tous dans la cave pour la sauter
Pendant que lui se vante d’attraper plein de petits noirs
Mais elle s’en fout, Brigitte s’est bien fait niquer

L’impertinence avait disparu des regards. Des yeux morts posés sur le vide. Le tatoué maori coupa sèchement la musique. Un silence de mort. Leurs lèvres bougeaient légèrement, mais à part ça, les types n’avaient absolument plus rien de vivant.

— Si vous comprenez pas les règles, on va vous les apprendre.

Le Crabe avait bondi hors de la voiture. Le plus costaud avait déjà la main dans la boîte à gants, il avait pris le tir de Flash-Ball en pleine mâchoire. En voyant leur caïd se tordre de douleur, les deux bébés gangsta levèrent les mains. Ils n’avaient déjà plus l’envie de se battre. Ils les avaient écrasés, annihilés. Lors du débriefing, le Crabe avait expliqué :

— Leçon numéro un : le premier qui cogne est presque sûr de l’emporter. Leçon numéro deux : face à ces putains de gangs,toujours taper le chef de meute. Généralement, après les autres se couchent.

Sachant évaluer le véritable rapport de forces, le Crabe ne se perdait pas sur l’accessoire, il possédait l’art de concentrer son offensive sur le point décisif. L’ordre rétabli, Malcolm X s’en tira avec cinq mois de broches. Ils trouvèrent de la dope dans la caisse, mais les punaises de la hiérarchie s’agitaient dans tous les sens comme des poules décapitées, répétant :

— Surtout pas d’émeutes dans les quartiers, que ça reste calme.

Les juges libérèrent les voyous et le Crabe reçut même un blâme. C’était déjà l’époque où la police nationale renonçait à faire régner l’ordre. Des essayistes fustigeaient la démission de l’état dans les territoires perdus de la République, mais la marée démographique était devenue irrésistible. On n’arrêtait pas la mer avec des lois.

Le sentant, les bandes toujours plus violentes prenaient de l’assurance. Toutes les nuits, les cités passaient sous leur coupe. Les caïds contrôlaient de cités entières rejouant avec les barbus un remake de l’alliance médiévale de l’épée et de la croix.

Une contre-société était en train de naître sous les yeux effarés de l’Ancien Monde, avec son nouveau peuple, sa foi, ses institutions, ses lois, ses codes vestimentaires, sa cuisine et son armée. Elle n’avait pas pour projet de se dissoudre dans l’Ancien Monde, son ambition était tout autre : elle allait croître et multiplier afin de subvertir l’organisme-hôte qui l’avait accueillie dans un impitoyable processus de conquête coloniale.

Alex avait failli se faire tuer une bonne dizaine de fois : des tirs à balles réelles, des lave-linge lancés du sixième, des pitbulls rendus fous par la dope lancés contre la BAC. Une guerre d’usure. Il croyait alors que rien ne pourrait plus le surprendre, il se trompait : il n’avait encore rien vu… La peur commençait à changer de camp. Des gangs afro-maghrébins voulaient casser du Céfran, on les ciblait régulièrement, les attirant dans des rodéos mortels.

— Des fumiers gorgés d’amphétamines, des saloperies capables de transformer un lapin en Alien. Tu veux que je te dise, l’ouverture des frontières, ç’a été le début de la fin, affirmait le Crabe.

Les armes affluaient par les Balkans, de Syrie, de Libye. Les braquages de supérettes se faisaient désormais au bazooka et onn’hésitait plus à tuer pour des sommes dérisoires.

C’est à partir de ces années-là qu’Alex avait acquis un début de conscience politique, réalisant que la situation basculait de la criminalité vers une forme de guerre civile théorisée par un islam conquérant animé par l’éternelle volonté de puissance.

Tout ce qui portait un uniforme était la cible de voyous sapés sportwear, des abrutis racistes nourris de sous-culture américaine et de contre-culture islamique. Les jeunes femmes européennes étaient l’objet d’un véritable harcèlement d’hommes qui veillaient jalousement sur l’honneur de leurs sœurs. Le retour des djihadistes expérimentés de Syrie et d’Irak, l’arrivée massive des réfugiés du Levant avaient encore aggravé la situation sécuritaire.

Pourtant, par moments, il arrivait à Alex d’être sincèrement séduit par l’intelligence de certains types de banlieue, par leur tchatche, par la vivacité de leurs réactions, cette capacité à analyser intuitivement une situation, à vivre en prise directe avec le réel, loin des élucubrations fumeuses des intellos parisiens, sans compter leur humour dévastateur, leur courage physique, leur irrespect de ces institutions vermoulues qui étouffaient le pays, leur manière de revisiter la langue française.

Alex ne les aimait pas, mais il était assez lucide pour savoir qu’il leur ressemblait et que, dans un autre contexte historique, cette énergie vitale aurait pu être mieux employée et faire la richesse du pays au lieu de faire son malheur. Mais pour cela, il aurait fallu pouvoir accéder à leur disque dur, lancer un nettoyage complet du système et ça, c’était un tout autre boulot. Putain, certains de ces voyous auraient pu faire de sacrément bons flics s’ils n’avaient pas choisi le côté obscur de la force!

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5 Commentaires

  1. Depuis combien d’années, n’y a t il eu, en France, un ministre de l’intérieur à peu près valable sans en revenir à Clemenceau( sur lequel il y aurait à redire) . J’ai bien mon idée sur un ou deux personnages, mais il y a si longtemps . Je suis né sous la quatrième république et j ai vécu des périodes heureuses avant de voir la décadence s’installer sous Giscard et ses sbires . Quands aux suivants, quands j entendais des daronnes émoustillés s’écrier : il est jeune il est beau” aux infos collaboratrices ; je sus que c’était foutu . J’attends le grand schprountz , trops vieux pour fuir mais encore en forme . J’apprécie beaucoups ce texte comme j’ai aimé GUERILLA d’Obertone alors que la fête commence et après moi le déluge , pour paraphraser un aviateur “jusqu’au bout sur nos messerschmidt” .

      • Monsieur, vous avez raison ce chaos arrive et peut-être est il indispensable, sinon nécessaire . Préparez vous ou exilez vous .j’ai combattu pour la France, pas pour la république comme mes aïeux dont certains reposent dans les grands cimetières de l’est, alors quelle derision que tout cela ! D’un autre côté, ce qui vient d’arriver en Israël va insuffler une sainte trouille au Peuple la bas et ici peut-être. Gardez votre poudre sèche et attendez dans le calme des vieilles troupes , ça pourrait se bousculer chez Saint-Pierre et peut-être la France gagnera t elle . Nous verrons bien, j’accepte mon destin comme tous vieux Celtes ou Germains, voire Francs . SURSUM CORDA , TOR E BEN