Requiem pour un poisson rouge XVI

– Monsieur Le Baron vous attend dans le salon, je vous débarrasse de vos effets Monsieur?

– Non merci.

Ben oui faut pas déconner, j’ai le flingo, j’ai pas envie de laisser trainer ça entre des mains étrangères. Me voilà donc introduit dans le salon, un homme de belle stature, fumant cigare et vêtu comme un milord m’accueille courtoisement. C’est bien lui, quelques années et cheveux gris en plus.

– Ahhh Maître, quel plaisir de vous revoir.

– Merci, de même cher Baron, que me vaut ce retour de flamme, si j’avais l’esprit mal tourné, surtout par les temps qui courent, j’aurais de mauvaises pensées.

– Hahaha, toujours le mot pour rire, je vois. Asseyez- vous, que voulez- vous boire? Ah si j’ai bonne mémoire vous êtes amateur de champagne bien frappé.

– J’aime bien les racailles bien frappées aussi.

– Hahaha, sérieusement je sais que vous avez un faible pour le Pol Roger .

– Comme Sir Winston mais bien frais, les théories selon lesquelles il faut boire le champagne à 12° c’est de la foutaise.

Le champ’ fut bien servi, à la température adéquate, soit 5- 6°, n’en déplaise aux puristes. Nous devisons de choses et d’autres avec notre hôte, les banalités d’usage avant de passer aux choses sérieuses.

– Je suppose que si vous m’avez invité, ce n’est pas juste pour s’enfiler une roteuse?

– Non, bien entendu.

– Encore un divorce en vue?

– Non de ce côté, c’est terminé, vous savez bien que j’avais tendance à les prendre de plus en plus jeunettes.

– C’est clair!

– Le problème est que maintenant elles ne se contentent plus de la carte Infinité, il leur faut de la sélection.

– Les temps changent, il leur faut du jeune beau et friqué.

– Donc de ce côté terminé et il faut l’avouer je n’ai plus l’âge aux frivolités.

– Oui, j’ai suivi de loin votre carrière, vous avez tout laissé tomber.

– J’ai vendu la presse, de toute façon c’était devenu un gouffre, la politique ne m’a jamais vraiment intéressé, j’ai fait le gugusse comme sénateur- maire à inaugurer des maisons de retraites, des salles polyvalentes, à faire des bises à des péquenots incultes, à promettre n’importe quoi à des imbéciles, à jouer sur le souvenir de mon père avec la pleurniche en prime, à filer des subventions à des ingrats et des profiteurs, alors que fondamentalement toute cette populace ne m’intéressait pas. Certes ça m’a permis d’avoir des relations mais qui à l’arrivée se sont avérées peu fiables, dans ce milieu il n’y a pas d’amis.

– Mouaaiiisss, je sais, vous préfériez l’ingénue, vous avez- vu le tarif à l’arrivée… Vous fûtes président de la commission de la défense au Sénat, c’était pas le bagne non plus.

– Non, j’ai bien profité sauf que globalement je n’ai rencontré que des médiocres.

– Ça ne me dit toujours pas la raison de ma présence, je veux bien entendre vos états d’âme, je suis avocat, pas assistante sociale…

– Ce soir, vous n’avez rien de prévu?

– Non, pas de putes en vue.

– Hahaha, Permettez moi de vous inviter, ma cuisinière est un cordon bleu et nous aurons le temps de discuter après le repas de l’affaire qui nous intéresse.

– Si c’est demandé aussi aimablement.

Demandé TROP aimablement justement… Entre temps deux convives se joignirent à nous, une pétasse emperlouzée et son gigolo. Une glousseuse qui si j’ai bien compris s’occupait de la rubrique théâtre dans le journal du soir de notre Baron et probablement aussi de la rubrique turlutte spéciale au profit de celui- ci. J’avoue avoir prêté une attention lointaine aux jacasseries de l’intéressée. J’ai eu droit aux poncifs habituels.

“Vous faîtes quoi dans la vie?”, “Avocat! Ca doit être passionnant, rencontrer des assassins “, “Vous avez une affaire intéressante en ce moment?”. J’ai poliment éludé, Heureusement la table était à la hauteur pour s’extraire mentalement de ces panteries.

Il faut avouer que le Baron sait recevoir, c’est stylé, c’est fin, c’est la gastronomie à la française. Il a toujours été grand seigneur, faut admettre… Feuilleté aux morilles en entrée et ce n’était pas du surgelé, poulet au vin jaune et en dessert des crêpes Suzette. Le tout avec les vins qui accompagnent. Au moins j’ai pas perdu ma soirée. Car pour l’instant je ne sais toujours pas pourquoi une telle invite.

Le repas terminé, les deux zygs qui de toute évidence étaient là comme faire valoir ayant pris congé, nous nous retrouvons dans le fumoir, c’est l’avantage des belles maisons, avec un Cognac Grande Champagne hors d’âge et un Hoyo de Monterey de bonne facture, un avant- gout de ma future retraite…

– C’est pas le tout, c’est bien beau tout ça, quel est le problème?

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