Requiem pour un poisson rouge V

II

La Margot était déjà là, à régler je ne sais quelles factures et autres paperasses inutiles. Faut dire qu’en ce moment le client se fait rare. Vu mon créneau, les pédigrées ne jouent pas en ma faveur, les faces de craie disparaissent au profit des sirops de merguez et je refuse ces derniers, question de principe, les youyous m’insupportent.

– Salut boss…

Oui, avec le temps et l’empâtement elle avait pris une certaine trivialité.

– Bonjour chère collabo adorée.

Que ne faut- il pas faire avec le petit personnel.

– Alors vous avez vu le client? Un bon celui- là, il vient de payer les honoraires.

– Ah bon, déjà!

– Oui 8.000 et en espèces… en plus il a joint la lettre de mission avec les documents.

– 8.000 en espèces! J’ai réclamé que 6.000 et jamais parlé d’espèces… C’est quoi c’t’embrouille… .

– Faut vraiment croire qu’il a confiance en vous et puis ça vous arrange pour votre projet sud- américain, dit- elle en s’esclaffant.

– Cubain ma petite, cubain… Cuba ce sont les Caraïbes…

– Qu’est- ce que vous allez foutre là- bas à votre âge? Vous n’avez plus vingt ans.

– Vous non plus et de toute façon ça ne vous regarde pas, au moins j’aurai des bombasses, parce qu’ici c’est du domaine du chercheur d’or.

– Pour vous pomper, elles vont vous pomper c’est sûr mais pas ce que vous croyez, hahaha…

La garce frisait l’insolence, s’il n’y avait une collaboration ancienne je lui aurai bien claqué le beignet.

– Vous n’avez peut- être pas tort mais le pognon j’en ai besoin. La retraite, je la veux plus glorieuse que sur la Moskova. Le pire est que cette histoire ne me dit rien qui vaille…

– Ah bon, pourtant ça a l’air d’un truc simple, j’ai lu la presse, un crime sordide, un coupable. Vous plaiderez les circonstances, le coup de folie et le sauverez de perpète.

– C’est que je me suis dit hier, ma vanité me perdra. J’ai commencé par un coup d’éclat et l’idée de finir par un autre coup d’éclat ne m’a pas déplu. Sauf que la nuit portant conseil, j’ai eu l’intuition que je faisais une connerie, eh bien ce matin j’en suis plus que convaincu.

– Vous allez renoncer?

– Non, car quelque part ma curiosité est éveillée, puisque connerie il y a autant aller jusqu’au bout. C’est pas le tout mais vous avez oublié vos devoirs chère collaboratrice, c’est limite faute professionnelle.

C’était devenu un rituel depuis le divorce gagné de Margot, chaque matin nous prenons une coupe de Bollinger pour démarrer la journée. La Margot connaissait mes consignes, pas de boutanche à plus de 5°.

Margot dans la journée fit les démarches nécessaires pour que je prenne connaissance du dossier et aille visiter mon nouveau taulard.

Elle me fit une synthèse de ce qui était paru dans la presse sur ce meurtre.

– Ah au fait, y a Paulo qui va passer tout à l’heure.

– Il est ressuscité? Ça fait un bail, qu’est- ce qu’il veut encore?

– M’a rien dit …

– Probablement m’expliquer qu’il s’est foutu dans une foirade.

Ah! Paulo, encore un bon celui- là, à croire que suis un aimant à cons. A l’époque où je l’ai connu il était associé avec un certain “L’Elégant”. Fallait voir le duo! Une dream- team de la nickèlerie!

“L’Elégant” portait beau, grand, mince, le costard rayé, la chemise en soie, les pompes brillantes, la cravate bien mise, la cigarette classieuse, le tombeur de thé dansant, quoi! Sauf que derrière la façade il n’y avait rien… “L’Elégant” ce n’était qu’un traîne- patins. Mon Paulo était son associé dans leurs coups miteux, lui c’était plutôt le style gitan- levantin, petit grassouillet et légèrement crasseux.

Je les avais sorti de quelques emmerdes, ils faisaient dans la cambriole sans violence, trop trouillards pour aller plus loin. Au bout d’un moment la maison pandore et perdreaux réunis n’a plus apprécié la plaisanterie et ils ont été aux gamelles.

La caractéristique d’un avocat est qu’il rencontre toujours la même faune. C’est une pièce de théâtre où les acteurs peuvent changer mais pas les dialogues ni le scénario. Au moins c’est reposant, on connaît d’avance les répliques.

Donc voilà qu’un jour mes deux pantes débarquent à l’improviste, avec eux c’était toujours à l’improviste entre deux séjours aux gamelles. En fait, au bout d’un moment ils avaient compris le système et se démerdaient d’aller en cabane en hiver pour avoir gîte et couverts, après il y en a qui vont gueuler contre l’univers carcéral! Bon, ça c’était avant l’arrivée de la diversité.

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