Opération Borodine – 27-29

VINGT-SEPT

Le 2 janvier, les télévisions du monde entier filment l’arrivée, à Moscou, des deux mille enfants français. Parfaitement synchronisés, les quatre trains décorés aux couleurs de la France entrent en gare au son de l’hymne national russe. Les drapeaux français, gigantesques et majestueux, hissés de part et d’autre des locomotives, impriment dans l’esprit du téléspectateur un message fort qui semble dire : « Nous hébergeons la France sur le sol russe ».

Les enfants descendent des trains et suivent leurs éducateurs jusqu’aux bus garés devant les gares. Les correspondants des télés et agences de presse nationales et étrangères, maintenus derrière un cordon de sécurité, essaient d’obtenir quelques mots de la part des petits Français mais la primeur est donnée aux chaînes locales. Repris par tous, les nombreux reportages occultent, à dessein, la façon dont le ministère des Situations d’Urgence est parvenu à exfiltrer un nombre aussi important d’enfants sans éveiller le soupçon des autorités. Il est clair que l’organisation a bénéficié du soutien d’un groupe de résistance actif sur le territoire français mais les médias en protègent l’anonymat.

Ce sauvetage exceptionnel permet de revenir sur l’événement le plus traumatisant pour la communauté internationale : la dictature religieuse islamiste qui a détruit la France en l’espace de quelques mois grâce à lacomplicité de ses élus. Les mesures les plus scandaleuses, prises par le gouvernement Al Misri, sont violemment critiquées par la presse étrangère, comme la suppression du français dans les écoles primaires, la discrimination des femmes à l’emploi – qualifiée par les journalistes de « mutilation professionnelle », le niqab obligatoire dès l’âge de douze ans, l’absorption de la vague migratoire par les familles françaises qui se sont vu imposer l’accueil de réfugiés sans contrepartie financière, le partenariat avec la Turquie qui inquiète… car ce n’est plus la France qui élabore les décisions de la Commission européenne mais le pouvoir ottoman islamiste qui ne cesse d’étendre son influence sur la vieille Europe.

Gaétan se trouve dans le bureau d’Al Misri quand le ministre découvre le premier reportage sur la BBC. Sa colère est terrible. Il parle d’humiliation, d’affront pour le monde musulman et demande l’arrestation de tous les responsables.

La Russie devient le nouveau chef de file du monde libre, le gardien incontesté du droit à l’égalité entre les hommes et les femmes, à la culture et au développement personnel, l’artisan d’un monde nouveau et plein de promesses, prêt à sauver ce qu’il reste d’une Europe dépecée par l’Islam rigoriste.

Les télévisions diffusent un très grand nombre de vidéos. L’émerveillement des enfants passe et repasse. D’abord sur le bateau, puis sur le quai des gares aux spectacles enchanteurs, avec l’apparition de Snigoureshka, du père Glace, de son traîneau, de la vieille année dont les pages se transforment en feu d’artifice. Tout est montré au téléspectateur : l’intérieur des wagons, les jouets de bois, les pitreries des quatre ours, la découverte de Dietski Gorod au décor féerique, l’installation dans les izbas, lesretrouvailles des frères et sœurs, le Golden Retriever sautant au cou de Nathan…

— Ils nous ont amené Montesquieu ! s’écrie le petit garçon.

Louise et Nathan sont logés dans la même izba que Gabriel, qu’ils ont connu dans le train sous le matricule 21. Il y a aussi Inès et Manon, deux petites filles de cinq et sept ans. Tous les cinq vont devenir frère et sœurs d’adoption. Leur « tiotia », que Nathan trouve aussi jolie que Snigoureshka, s’appelle Svetlana et porte l’uniforme beige du ministère des Situations d’Urgence.

Elle leur indique leur chambre aux lits superposés qui toutes ont des noms d’oiseaux. Il y a la « Chouette » (Sava), le « Rossignol » (Salaveil), « le Moineau » (Varabeil) et la « Colombe » (Goloub). Chaque fois qu’une porte s’ouvre, le chant de l’oiseau se déclenche, ce qui permet à l’éducatrice de les surveiller la nuit. À part Svetlana, Louise est la seule à avoir une chambre pour elle toute seule. Elle en est ravie mais ne parvient pas à lire le nom russe de son moineau ni à s’en souvenir.

— Et Montesquieu dormira où ? demande Nathan.

— En bas, sur le canapé. Je lui ai prévu une couverture, dit Svetlana.

Après la visite des chambres, la jeune Russe leur fait découvrir l’espace « devoirs », la cuisine et la salle à manger.

Ils sortent en pantoufles sur le patio qui abrite une banquette et un fauteuil à bascule. Leur maison est mauve et blanche, les izbas les plus proches sont orange, pervenche, vertes et grises, la peinture blanche soulignant toujours les poutres, les festons et les balustrades. Devant chez eux, une petite mare complètement gelée est décorée d’ampoules multicolores.

— Wouah ! fait Nathan, impressionné. On pourra faire du patin à glace ?

— Il y a une vraie patinoire, dit l’éducatrice. Mais une fois que tu auras tes patins, tu pourras en faire où tu voudras.

— On va avoir nos propres patins ? s’exclame Louise.

— Vladimir, votre diadia relèvera vos pointures. Des dizaines de paires sont déjà disponibles dans la remise qui jouxte le sauna.

— C’est quoi le sauna ? demande Ines.

Le gouvernement d’Al Misri fait tout pour que l’accueil des enfants français par la Russie ne soit pas ébruité. Il parvient à brouiller les chaînes étrangères, à rendre inopérants la majeure partie des sites d’informations mais les réseaux sociaux qui diffusent en permanence des milliers de messages ont assez de temps pour retransmettre ce nouvel espoir au peuple français avant d’être censurés. Un journaliste et son équipe prennent même le risque d’en parler au journal de 13 heures mais se font arrêter presque aussitôt pour haute trahison.

La nouvelle de l’évacuation fait l’effet d’une bombe. Le téléphone de Claire ne cesse de sonner et les Caméléon relais ont été contraints d’ouvrir une nouvelle liste qui compte déjà trois mille noms. Les messages arrivent même d’Allemagne, d’Italie et de Belgique. Désormais introuvable sur le réseau Internet français, le reportage de ce sauvetage culturel se vend au marché noir sur clef USB, tout comme les manuels de russe que les Français s’arrachent à prix d’or même si très peu d’entre eux dépassent la première leçon.

Le ministre ordonne à Gaétan d’élaborer une stratégie de communication devant faire cesser cet engouement pourla puissance ennemie qu’il qualifie de « criminel » mais l’énarque l’en dissuade, persuadé qu’une telle opération n’aura plus d’effet.

— Ce n’est pas tant l’accueil sur le sol russe de deux mille enfants qui marque les Français, lui dit-il, mais le reportage qui est diffusé juste après.

— Quel reportage ? demande Al Misri.

— La vie à Moscou des petits martyrs de la maternelle et de leur famille, quatre mois après avoir été exfiltrés par les Russes. La population est maintenant convaincue qu’il n’y a jamais eu d’attentat.

— On a fait interdire tous les sites, les réseaux sociaux. Je me demande bien où ils regardent ce reportage.

— Des milliers de clefs USB circulent sous le manteau.

— Qu’est-ce que vous suggérez ?

— De leur dire la vérité.

La Russie fait la une de la presse internationale. La vie quotidienne de Dietski Gorod alimente tous ses reportages. Les enfants sont filmés à l’école primaire où les cours sont dispensés en français et en russe. Filmés dans leur bel uniforme gris et bordeaux, la cravate et le blazer bien ajustés, les souliers parfaitement cirés. Filmés quand ils traversent le parc, emmitouflés dans une doudoune, chaussés de bottes en feutre et coiffés d’une chapka grise à laquelle s’ajoutent les moufles et l’écharpe assorties. Filmés à leurs cours de piano, de violon, de violoncelle, de solfège, de danse classique, de natation, de karaté, de hockey sur glace… Filmés dans leur datcha, au petit-déjeuner, au déjeuner et au goûter où on leur sert un bortch bien chaud et tout rose avant de repartir à leurs activités. Filmés en train de se lancer des boules de neige, de rire, de patiner sur les mares gelées ou de visiter l’enclos des ours. Filmés le soirau coucher quand leur tiotia leur raconte un conte pour qu’ils s’endorment en faisant de beaux rêves. Filmés quand ils prononcent leurs premières phrases en russe ou qu’ils déchiffrent des mots en alphabet cyrillique…

Il a suffi de ce sauvetage pour que l’image de la Russie ne soit plus celle que l’Occident avait véhiculée pendant des décennies, pour que la Russie devienne un pays où il fait bon vivre, en dépit de son climat rude que l’on compare maintenant à celui du Canada. Il a suffi de ce sauvetage pour que les entreprises françaises, encore en exil en Angleterre, acceptent de s’implanter dans les villes de Volgograd, Kazan, Irkoutsk, Omsk, Tcheliabinsk, Novossibirsk, Krasnoïarsk et Vladivostok.

VINGT-HUIT

Al Misri ne suit pas les conseils de Gaétan. En fait de vérité, il opte pour la répression. Un premier décret interdit à tout Français de quitter le territoire national. La France renforce le contrôle de toutes ses frontières abolies depuis Schengen. Seule la voie aérienne vers la Turquie est maintenue.

Les arrestations « d’ennemis de la France et de l’Islam » sont conduites jour et nuit sur la base des indications fournies par les réfugiés. Plus aucune règle ne protège les citoyens. Les gardes à vue se prolongent indéfiniment. Les interrogatoires sont menés au mépris de toute considération de durée. Les personnes soupçonnées finissent par avouer des crimes qu’elles n’ont pas commis. Les méthodes pour obtenir des aveux ne laissent aucune trace et ne génèrent aucun cri.

Dans cette lutte contre l’ennemi, Ferdous s’avère d’une aide précieuse. Elle informe d’abord les autorités que les enfants de Pauline et de Viane ne sont plus là et ne seraient pas non plus chez la grand-mère avec qui elle a bavardé récemment au téléphone. En faisant un peu de ménage, elle a mis la main sur une clef USB qui contiendrait des contrats signés en décembre correspondant à la prise en charge par la Russie de l’éducation d’une cinquantaine d’enfants. Oui, elle a les noms mais veut s’assurer qu’elle obtiendra en échange une allocation permanente et un appartement individuel, pour elle et son mari, dans le centre de Paris. Le policier lui garantit qu’ils sauront récompenser ses services.

Pauline Fontaine serait-elle impliquée dans l’évacuation des enfants ? Oui, elle en est persuadée. Sa voisine Viane Lacroix, également. Mais la plus compromise est la russophone du septième chez qui « ça n’arrête pas de défiler ». Pourrait-elle reconnaître ses visiteurs ? Sur une tablette, elle désigne deux visages, un homme aux yeux très bleus et un autre aux tempes grisonnantes et à l’allure féline. En outre, on lui montre les photos d’Aurélien Lacroix et de Gaétan Fontaine. Non, eux n’ont rien à voir dans ce complot. Elle est formelle.

Les Fontaine ne se parlent plus et font chambre à part, quant à Aurélien il ne vit que pour son cabinet d’audit. L’avocat du premier ? Il n’est pas clair mais il se doit de défendre toutes les causes. Sa femme, la psychiatre ? Oui, il faut l’arrêter. Elle complote avec les trois autres.

Une heure après cette déposition, Violaine fait irruption dans le bureau de Gaétan. Elle travaille encore. Elle a tout fait pour conserver sa place. Elle se tient devant lui, gênée. Elle ne sait pas par où commencer. Elle lui demande de ne pas lui en vouloir. Elle n’y est pour rien.

— Mais parle !

— Cela concerne ta femme.

Pauline est mise en cause dans le trafic d’enfants. La réfugiée qu’ils hébergent l’a dénoncée. Elle aurait des preuves. Elle implique également sa voisine Viane, Claire Mareuil et deux hommes dont l’un est, sans aucun doute, Arnaud Monnet.

Gaétan lui demande de partir. Elle tient à préciser que ses nouvelles fonctions l’amènent à fouiller le profil des personnes en lien avec la Russie mais qu’elle n’a entrepris aucune recherche dans son immeuble. Il faut la comprendre. Elle s’est débrouillée pour conserver sonemploi lorsque les femmes ont été renvoyées des ministères mais, contrairement aux autres qui sont restées au service d’Al Misri, elle ne se prête pas à toutes les compromissions.

— La réfugiée est venue à nous de sa propre initiative.

— La nôtre ou celle des voisins ?

— La Turque qui vit chez toi.

— La nôtre est irakienne.

— Tu la connais sous le nom de Ferdous mais elle s’appelle en réalité Zeynep. Elle est turque. Les services l’ont placée chez toi pour surveiller la russophone du 7e.

Gaétan se lève et marche nerveusement vers la fenêtre.

— Et maintenant que je sais cela, elle va continuer à vivre chez nous ?

— Non. Ce soir, elle n’y sera plus.

— Et Hassan ou je ne sais comment il se nomme ? Celui qui se fait passer pour son mari.

— C’est vraiment son mari. Il est turc comme elle mais n’a rien à voir dans cette affaire.

— Il est médecin au moins ?

— Je n’en ai aucune idée mais s’il te l’a dit c’est peut-être vrai.

Gaétan s’affale dans son fauteuil. Comment a-t-on pu les tromper de la sorte ? Violaine veut le réconforter mais il la repousse et lui demande de le laisser. Une fois seul, il tente d’appeler Pauline mais son téléphone est éteint. Ceux de Viane et de Claire ne répondent pas non plus. Il arrive à joindre Arnaud. Il les a quittées il y a à peine dix minutes. Ils étaient ensemble au Caméléon. Elles ont dû rentrer en métro. Sophie était également avec eux. Peut-il les prévenir ? Non, il est aussi en danger. Il leur fera passer de faux passeports. Il raccroche.Gaétan roule vite. Il veut arriver chez lui avant sa femme mais il y a du trafic. Certaines rues sont bloquées. Les arrestations se multiplient dans tous les quartiers. Il atteint son domicile quarante minutes plus tard, en même temps que deux voitures de police qui freinent brusquement et se garent en double file. Quatre policiers s’engouffrent dans son immeuble tandis que deux autres inspectent les alentours, la main sur la crosse du pistolet. Gaétan essaie de rappeler Pauline mais elle ne décroche toujours pas. Angoissé, il se poste en amont et fixe la porte cochère. Les policiers ressortent presque aussitôt, discutent entre eux et repartent toutes sirènes hurlantes.

Gaétan entre en trombe dans son appartement et surprend Hassan en train de prier au beau milieu du salon. Il lui demande s’il a vu Pauline mais l’homme ne répond pas.

— Et votre femme, elle est où ?

Gaétan n’a pas le temps d’attendre qu’il ait terminé sa prière. Il sonne chez Viane. Nour lui ouvre. Non, elle n’a pas vu Viane mais la police est passée. Ils la cherchaient. Aurélien est au bureau. Doit-elle le prévenir ? Gaétan la remercie et descend chez l’avocat. Sophie n’est pas rentrée. Très inquiet, il rappelle Violaine. Elle n’a pas de bonnes nouvelles. Le logiciel de reconnaissance faciale a identifié Pauline à la station Pasteur alors qu’elle empruntait la correspondance en direction de Nation. Viane et Claire Mareuil étaient avec elle. Toutes les trois ont été arrêtées.

— Cela va être terrible, murmure Gaétan. Ces gens-là sont prêts à tout pour obtenir des informations.

— Et Sophie ? demande l’avocat.

Le lendemain, les portraits de Claire, Pauline et Viane sont placardés dans tous les kiosques. Les journaux titrent :« Les trois terroristes, responsables du trafic et du kidnapping des 2000 enfants français sont des femmes ».

Accusées de haute trahison, de collusion avec l’ennemi, d’enlèvement et de séquestration, elles risquent la peine de mort rétablie depuis peu pour les crimes contre l’État.

Gaétan demande à l’avocat de lui acheter Le Parisien, Libération et Le Figaro, ne pouvant quitter son appartement où les policiers effectuent une perquisition en règle. À côté, chez Viane, Nour leur sert de témoin. Aurélien n’est pas rentré. Sophie non plus. Jean-Marc a déposé une demande de visite pour assurer la défense de ses trois voisines mais le procureur l’a rejetée, arguant qu’un nouveau décret supprimait le droit à un avocat en matière d’espionnage.

— Est-ce que cela signifie qu’il n’y aura pas de procès ?

— Le tribunal de la charia décidera. Pour l’instant, on les interroge.

Des rassemblements ont lieu devant les ambassades de France de la plupart des grandes villes étrangères : Pékin, New Delhi, Rio, Sidney, Tel-Aviv, Johannesburg, Téhéran, Ottawa, Buenos Aires, Stockholm, Oslo, Helsinki, Copenhague, Reykjavik, Genève, Budapest, Vienne…, à exception des pays européens tenus sous le joug de Ouroub al Islamioun.

À Moscou, une foule se réunit devant le superbe bâtiment rococo qui servait de résidence aux ambassadeurs de France jusqu’à la rupture récente des relations diplomatiques.

À Londres, un immense cortège crie des slogans pour obtenir la libération des trois femmes. Les Américains manifestent également même si la Maison-Blanche n’a fait aucune déclaration depuis leur arrestation.

Claire, Pauline et Viane sont incarcérées depuis plus de dix jours et aucune information n’a été communiquée sur leur lieu de détention. Même Violaine n’est pas arrivée à obtenir d’information ni la preuve qu’elles sont toujours en vie. Des rumeurs circulent. Ce qui intrigue c’est qu’aucun membre du Caméléon n’a été arrêté. Sont-elles torturées ? Personne ne le sait mais Gaétan doute que sa femme puisse se sacrifier pour une cause. Si on la torture, elle parlera. Alors ? À quoi joue le gouvernement ? À pousser à bout les membres du réseau ?

Dès que la porte de leur bureau s’ouvre, les chefs d’état-major croient vivre leurs derniers instants. Quel que soit le ministère ou l’entreprise, chacun observe son voisin. Même ceux qui n’ont rien à se reprocher ont le front en sueur. L’atmosphère est à la délation et à la paranoïa, comme s’il s’agissait d’une nouvelle technique policière.

Onze jours après leur arrestation, des entrepôts de l’armée sont pillés. Cinq VAB, deux tanks et de nombreux fusils d’assaut et armes de poing disparaissent. Le vol est revendiqué par un groupe qui se fait appeler « Les Tueuses d’Ishtar », du nom de la déesse de la guerre d’origine arabe.

Dans une conférence de presse en selfie, elles indiquent que leur combat vise la libération de toutes les femmes de France : leur réintégration sur le marché de l’emploi et dans toutes les entreprises et ministères d’où elles ont été chassées, la restitution de leur autonomie juridique, la suppression de toute forme de soumission dont le niqab.

Elles saluent l’action courageuse menée par Claire, Viane et Pauline qui n’ont fait qu’agir pour la paix, l’éducation et la sauvegarde de la culture française et des libertésfondamentales. Elles exigent qu’elles soient immédiatement relâchées et menacent d’abattre un membre du gouvernement ou un élu qui a vendu la France à l’islamisme fondamentaliste pour chaque jour d’emprisonnement.

Le lendemain de leur déclaration, elles mettent leur plan à exécution et signent l’assassinat du ministre de l’Éducation nationale. Les lettres « Les Tueuses d’Ishtar » sont peintes en rouge sur la façade de son immeuble, symbolisant le sang qu’elles sont prêtes à faire couler.

La façon dont elles se sont introduites dans l’appartement du ministre prouve de remarquables qualités de sang-froid, d’organisation et de techniques d’assaut.

Deux jours plus tard, un membre du cabinet d’Al Misri est pulvérisé dans l’explosion de sa voiture. Les fragments retrouvés sur l’épave du véhicule montrent que la bombe n’était pas artisanale. Trois jours plus tard, c’est au tour du ministre de la Justice d’être tué d’une balle dans la tête en quittant la Place Vendôme, alors qu’il était pourtant protégé par trois gardes du corps.

Face à une telle détermination, un vent de panique s’empare du pouvoir. Al Misri convoque les trois chefs d’état-major et leur supérieur. Il est clair qu’ils ont affaire à d’anciennes militaires parfaitement entraînées, visiblement issues de l’armée de terre, d’un régiment de parachutistes ou d’un commando, agissant sans aucun état d’âme.

Combien sont-elles ? Peuvent-ils évaluer leur nombre et leur armement ? Qui les finance ? Qui est leur chef ? Quels sont leurs soutiens au sein de la Défense et à l’étranger ?

Le général Sorgues ne promet rien. Ils vont analyser les archives afin de repérer celles qui se sont distinguées par leur témérité. Le chef d’état-major des armées, le général de division Aubry, voit dans ce nom d’emprunt la signature deleurs origines : elles seraient des militaires du rang issues de l’immigration maghrébine.

— Pourquoi des musulmanes se rebelleraient-elles comme le feraient des Françaises ? s’étonne naïvement le ministre.

— Parce qu’elles se sentent françaises avant d’être musulmanes et souffrent de ce fondamentalisme que vous leur imposez, ose le général Aubry.

— Ne craignez-vous pas qu’elles continuent à assassiner si vous ne libérez pas les trois femmes ? interroge l’amiral Pradel.

— Les libérer ! Mais vous avez perdu la tête ?

— Ou les placer en résidence surveillée ? propose Sorgues.

— Mais ce sont des terroristes !

— Tout est relatif, dit De Langlas. Ces trois femmes n’ont tué personne et leur action, même si elle porte préjudice à la France, revêt un caractère essentiellement humanitaire.

Des coups de feu retentissent dans les bureaux voisins. Les alarmes n’ont pas été déclenchées. Les quelques cris qui se sont mêlés aux premiers tirs ont fait place au silence. De Langlas veut aller voir ce qu’il se passe mais Al Misri lui ordonne de ne pas bouger. Ils attendent une dizaine de minutes après le dernier coup de feu. Ils en ont compté neuf. Pradel insiste pour débloquer la porte. Un attaché qui s’y était appuyé s’écroule sur la moquette.

— Les Tueuses d’Ishtar, murmure-t-il avant de perdre connaissance.

Les trois chefs d’état-major se précipitent à l’extérieur pendant qu’Aubry appelle les secours. Neuf des dix conseillers d’Al Misri ont été abattus d’une balle en pleine tête dans leur bureau dont les portes ont été refermées avec cynisme. Gaétan Fontaine est le seul à avoir survécu. Il les a vues passer derrière la vitre. Elles portaient des masques à gaz, une arme de poing et un treillis de combat. Elles l’ont ignoré, comme s’il ne faisait pas partie du plan.

— Vous souvenez-vous de leur béret ? demande le général de division.

— Je crois avoir aperçu deux bérets rouges et un béret bleu cobalt. Les autres devaient être bleu sombre, habituels.

— J’en étais sûr, s’exclame le général Aubry. Il y a parmi elles des parachutistes et des pilotes d’hélicoptère. Tout pour entreprendre l’assaut de nos sites protégés. Les autres doivent être des artilleuses et des tankistes…

Mais aussi des commandos, pense De Langlas, car leur attaque était parfaitement ciblée, ne tuant aucun garde, ni aucun autre membre du personnel mais se contentant de les neutraliser avec des gaz de combat anesthésiants. D’ailleurs, ils se réveillent tout juste, ignorant ce qui leur est arrivé.

— De sacrées nanas, murmure discrètement Pradel à l’adresse de Sorgues, en découvrant leur message écrit en rouge sur le mur du hall : « La prochaine fois, Al Misri, nous tuerons ta famille ».

— Il faudrait qu’on les fasse venir au Caméléon, souffle son collègue. Elles nous seraient d’une aide précieuse.

Le ministre est bouleversé par l’assassinat de ses neuf collaborateurs et prend la menace personnelle des Tueuses d’Ishtar très au sérieux. Dès qu’il retrouve ses esprits, il appelle l’adjoint du ministre de la Justice et lui demande le transfert immédiat des trois femmes dans le centre d’islamisation de l’abbayede Chenereilles, réputé pour la souplesse de ses conditions de détention. Une conférence de presse a lieu le soir même. On aperçoit pour la première fois les prisonnières sous leur hijab. Elles ont l’air fatigué mais ne semblent pas avoir été torturées.

Le procureur en charge des affaires d’espionnage indique que le ministre Al Misri n’a nullement l’intention de céder au chantage des Tueuses d’Ishtar mais qu’il a été sensibilisé par l’opinion publique internationale. Il annonce que les trois femmes n’encourent plus la peine de mort et que leur nouveau lieu de détention, soumis à un régime d’accompagnement psychologique, leur permettra de se réinsérer dans la communauté musulmane française.

— Tu parles d’un accompagnement psychologique, réagit immédiatement Jean-Marc qui regarde les informations en compagnie d’Adnan et de ses parents. C’est là qu’est internée mon associée. Ils les droguent pour en faire des esclaves d’Allah.

Londres salue cette décision et suggère même de leur décerner le prix Nobel de la paix. D’autres pays tels que la Hongrie, les pays baltes, la Scandinavie et la Chine proposent d’attribuer ce prix à Dietski Gorod dont le système d’enseignement et l’organisation éblouissent la nouvelle Société des Nations.

Dans la soirée, on apprend qu’Al Misri a trompé la communauté internationale, que son apparente clémence n’était destinée qu’à gagner du temps pour protéger sa famille. Afin d’éviter que les trois femmes ne soient réincarcérées à la prison de Fresnes, les journalistes se sont massés au pied du mur d’enceinte. Appelés en renfort, les gendarmes ont mis en place un cordon de sécurité pour les tenir éloignés de plusieurs centaines de mètres.Nullement impressionné par les soutiens internationaux, Al Misri a demandé à intensifier les recherches et les arrestations de présumés complices dans toutes les villes de France. Chaque individu, parent d’un enfant de cinq à dix ans est tenu de le faire recenser avant le 15 janvier, auquel cas il s’expose à une saisie sur salaire ou à la confiscation de ses biens.

Les Français se ruent sur les commissariats les plus proches et la police est vite dépassée. La mesure est donc suspendue ce qui permet à ceux qui sont vraiment concernés de mettre leurs biens en sécurité avant de disparaître dans la nature.

VINGT-NEUF

Le soir de l’arrivée de Claire, Pauline et Viane au centre de réislamisation, Jean-Marc reçoit un appel de Fatima.

— Il faut que tu contactes Dimitri, dit-elle d’une voix énergique. Écris son numéro.

Il veut comprendre, savoir comment elle va. Fatima s’énerve. Il n’est pas question d’elle et elle n’a pas beaucoup de temps. C’est urgent. Il doit se mettre en contact avec Dimitri Zaïtsev. Elle a obtenu ses coordonnées par Claire. Oui, elle l’a vue. Viane et Pauline également.

— Il faut dire au Russe de joindre Kenza le plus rapidement possible au café l’Oasis à Saint-Denis. Tu te souviendras du nom ? Kenza.

Elle lui dicte le numéro.

— Qui est cette Kenza ?

— Celle qui va organiser leur évasion depuis l’extérieur.

Jean-Marc ne veut pas qu’elle prenne de risques. Mais elle le rassure. Tout le monde ici lui fait confiance. On lui a donné des responsabilités. Elle a un trousseau de clefs. Ils la croient soumise et guérie. Elle rit. C’est elle qui accueille les nouvelles détenues. C’est elle qui les briefe.

— Mais toi ? Il faut que tu en profites pour t’évader.

— Je suis plus utile à l’intérieur. Personne ne se doute de quoi que ce soit. Mon combat est ici. J’organise tout depuis ma cellule.

— Tu organises quoi ?

Il fait semblant de ne pas comprendre et elle n’a pas envie d’entrer dans les détails.

— Dis à Dimitri de faire venir la grimeuse. Nos trois voisines en auront besoin pour quitter la France incognito.

Et elle raccroche.

Jean-Marc est ému d’avoir retrouvé Fatima, sa Fatima, fidèle à elle-même. La même voix. La même détermination. La même façon de le prendre pour un simple d’esprit. Il sourit et compose le numéro de Dimitri. Le Russe va contacter Kenza et la maquilleuse, mais il lui demande de ne pas en parler aux membres du Caméléon. Pas un mot. L’avocate le rappelle. C’est bon. Ses « filles » vont organiser l’assaut. Claire, Pauline et Viane seront bientôt libres.

— Et si on avait écouté notre conversation.

— Tu n’es pas sur écoute.

En pleine nuit le lendemain, Fatima ouvre les cellules des trois femmes. Elle leur remet un niqab noir pour remplacer l’ivoire et les emmène au parloir des visiteurs en évitant les caméras de surveillance. Elle les prévient. Il y aura du bruit. Une déflagration. Ses « filles » vont faire sauter l’enceinte du bâtiment. En cas de brèche dans le mur, elles ne doivent pas chercher à s’enfuir par leurs propres moyens. Une femme, en treillis militaire camouflé, coiffée d’un béret rouge, viendra les chercher. Si on leur demande le nom de code, c’est « Kenza ». Tout est organisé pour leur évacuation. Demain, elles seront à Moscou.

— Compris ?

— Compris, dit Claire.

Fatima leur donne une montre et des boules Quies. La détonation se produira à trois heures précises. Les tanks et les VAB suivront. Ils investiront le centre jusqu’au cloître. En attendant, elles ne doivent pas bouger mais s’asseoir sous les tables, le dos appuyé contre le mur du fond, le plus loin possible de la porte. Fatima a fait désactiver les écrans de contrôle mais si l’un des gardes a dans l’idée de faire une ronde – ce qui est fort peu probable vu qu’ils n’en glandent pas une – il ne doit rien remarquer d’anormal.

— À quoi on reconnaît un garde ? demande Viane.

— Les hommes sont en bleu sombre, comme des surveillants d’administration pénitentiaire et les femmes portent le même uniforme avec un foulard sous leur casquette.

— Pourquoi tu ne viens pas avec nous ? regrette Pauline.

— Ma force est ici, dit l’avocate. Je gère tout de l’intérieur et il y a tellement à faire. Ils me font confiance et les chefs me livrent des informations qui me sont très utiles.

Elle a su qu’Al Misri ne comptait pas les laisser ici plus d’un jour ou deux, qu’il y avait été contraint pour mettre sa famille à l’abri mais qu’elles devaient être exécutées à Fresnes, pour l’exemple.

— C’est pour empêcher votre transfert que les journalistes étrangers restent à proximité. Vous êtes devenues des stars, s’exclame Fatima.

— On s’en serait passé, lance Pauline.

— J’espère que nos enfants ne savent rien, dit Viane.

Claire la rassure :

— Dietski Gorod est un monde préservé. Je suis sûre qu’aucune télévision ne diffuse ce genre de nouvelles.

— Ils vous ont torturées ? demande l’avocate.

— Non. Ils se contentaient de nous poser encore et toujours les mêmes questions.

Il était convenu qu’en cas d’arrestation Pauline et Viane prétendraient n’avoir travaillé que pour Claire qui déclarerait n’avoir agi que pour le compte de la DGSE – contrat à l’appui – et d’un certain Dimitri. Seul le nom d’Arnaud Monnet pouvait être cité. Quant au lieu, la réfugiée avait confirmé que les rencontres se passaient chez Claire.

— Bizarre qu’ils ne vous aient pas torturées pour essayer d’en savoir plus. Avec moi ils ne se sont pas gênés après l’incendie des niqabs.

— On a eu des séances d’hypnose et ils nous ont fait remplir tout un tas de tests psychologiques. On devait cocher des cases, dessiner des figures, répondre à des questions qui n’avaient ni queue ni tête, se souvient Pauline.

— Chaque schéma, chaque questionnaire, chaque diagramme devait correspondre à une réponse mais c’était trop subliminal pour qu’on y comprenne quoi que ce soit, ajoute Viane.

— Enfin, si personne de notre groupe n’a été arrêté, conclut Pauline, c’est que leur système n’est pas vraiment au point.

— Ou qu’ils n’ont pas encore décrypté nos réponses, suggère Claire.

Fatima leur souhaite bonne chance. Elles se retrouveront. Elle ne sait pas quand ni où. Il faut d’abord reprendre la France aux mains des islamistes. Les trois voisines la remercient. Elles n’ont jamais douté d’elle. Mais l’avocate les soupçonne du contraire. Seul Jean-Marc est resté persuadé qu’elle ne virerait jamais« fondamentaliste », en dépit de ses origines et de sa religion. Claire avoue. Oui, il y avait un risque. Mais Fatima ne leur en veut pas. C’est pour cela qu’elle a créé sa brigade. Ses « filles » sont toutes des musulmanes et toutes des militaires qui portent très haut les valeurs de la France. Elle leur envoie un baiser et referme à clef le parloir. Les femmes attendent dans le noir et dans l’angoisse. Elles prêtent l’oreille au moindre bruit.

Un peu avant trois heures, Claire se met à compter les secondes, tout en conseillant à ses camarades de se tenir la nuque et d’ouvrir la bouche, un réflexe qu’elle a acquis sur le terrain. À l’heure indiquée, une puissante déflagration retentit et la porte du parloir est arrachée par la chenille d’un char. L’instant d’après deux femmes en treillis camouflé et coiffées d’un béret rouge s’approchent.

— Nom de code ? interroge la plus jeune.

— « Kenza », dit Claire.

Alors qu’elles les font sortir rapidement et monter dans un VAB qui s’éloigne vers la forêt, deux tanks s’engagent dans le centre de réislamisation, réduisant en poussière les cloisons intérieures. Les gardes sont neutralisés par des tirs anesthésiants, tout comme les membres d’encadrement, dont Fatima qui s’effondre contre un buisson du jardin, comme si elle avait planifié sa chute en douceur.

Ses « filles » sont une dizaine. Un mélange de bérets rouges et bleu sombre, ordinaires. Sur l’un des murs, l’une d’elles a écrit à la peinture rouge : « Al Misri, tu nous as trompées et nous nous vengerons. » Une autre ajoute la signature : « Les Tueuses d’Ishtar ». Pendant ce temps, la pilote du VAB remet ses trois passagères au chauffeur d’un fourgon de la télévision Suisse-Romande garé dans un chemin forestier. À bord, deux hommes parlent russe, ce qui rassure Claire.— Alors, prêtes pour un petit maquillage ? demande Florence, la grimeuse.

Les trois voisines respirent enfin. L’un des Russes, sans doute un membre des forces spéciales dont la kalachnikov est posée près de lui, leur offre une tasse de thé et quelques gâteaux. L’autre, tout aussi armé, est assis à côté du chauffeur et lui donne des indications en français.

— On a trois heures jusqu’à la frontière, dit Florence qui étale sur la table ses pinceaux, ses perruques, ses fausses lunettes et ses fausses barbes. Mais il faut que vous soyez prêtes avant.

— En quoi allez-vous nous transformer ? demande Pauline.

Le Russe leur tend leur nouveau passeport.

— Je m’appelle Antoine ? fait Viane, en ouvrant le sien.

— On a décidé de vous donner à toutes des identités masculines. C’est moins risqué. Dans une heure le monde entier apprendra que vous êtes en cavale.

— Profession : journaliste, dit Pauline, les yeux rivés sur son passeport. On est toutes journalistes ?

— Non, moi je suis caméraman, dit Claire.

— Commençons par les habits et les perruques, propose Florence. Car, si on a un contrôle routier il faut que vous soyez crédibles.

Pendant qu’elles se préparent, le fourgon file vers la frontière.

Comme à leur habitude, Les Tueuses d’Ishtar ont agi rapidement puis se sont évaporées. Cette fois-ci, elles n’ont pas tué mais se sont contenté de libérer les trois ennemies publiques en endormant les gardes et le personnel avec des flèches anesthésiantes utilisées habituellement dans les zoos.Les journalistes étrangers, qui campaient à quelques centaines de mètres, se sont précipités pour filmer tandis que les gendarmes tentaient de leur interdire l’accès en veillant à ce qu’aucune détenue ne s’échappe.

Toutes les portes des cellules ont été fracturées jusqu’à ce que les tueuses trouvent celles qu’elles étaient venues chercher, ce qui prouve qu’elles n’ont bénéficié d’aucune complicité venant de l’intérieur. D’ailleurs, une dizaine de prisonnières en ont profité pour s’évader.

À quelques kilomètres de Besançon, le fourgon s’arrête dans un terrain vague.

— Nous sommes arrivés, dit l’homme à la kalachnikov. Vous allez maintenant être prises en charge par un hélicoptère de l’armée de terre.

Claire s’inquiète.

— L’armée de terre suisse ou française ?

— Française, mais il est piloté par les Filles d’Ishtar, deux officiers féminins de l’ALAT.

— Les « Tueuses d’Ishtar », corrige l’autre Russe. Elles poseront leur appareil à quelques mètres de l’avion qui vous attend sur le petit aérodrome suisse le plus proche. Réputées pour n’avoir aucun état d’âme, elles pilotent toutes portes ouvertes et tirent au moindre incident.

— C’est censé nous rassurer ? demande Pauline.

— En tout cas, c’est le seul moyen de passer la frontière sans encombre, dit le chauffeur qui jusque-là n’avait pas parlé.

— Arnaud ! s’écrie Claire.

Elle ne l’avait même pas regardé avec sa barbe, ses fausses lunettes et ses lentilles de contact qui lui donnent un regard terne et assez quelconque.

— Ton grimage est très réussi, fait Pauline, impressionnée.

— Le vôtre aussi ! Vous rendez très bien en mec. Si j’étais Rémi, je me laisserais bien tenter.

— Tu nous accompagnes à Moscou ?

Claire espère qu’il va répondre par l’affirmative et croise les doigts derrière son dos.

— Je travaillerai depuis Moscou, annonce-t-il. Ici je suis trop recherché.

Folle de joie, la femme de terrain ne cache plus son émotion et l’étreint dans un élan passionné. Son grimage sans doute lui donne la force d’être elle-même. Les pales commencent à tourner lentement et les quatre passagers grimpent dans l’hélicoptère. Deux femmes, en treillis et béret bleu cobalt, les accueillent chaleureusement. L’une est aux commandes de l’appareil, l’autre s’appuie sur un fusil-mitrailleur dont le canon est braqué vers le sol. L’artilleuse leur montre où s’asseoir et comment s’attacher.

— Couvrez-vous car ça va cailler, prévient la pilote.

— Si tout se passe bien, ajoute sa collègue, dans une vingtaine de minutes, vous décollerez pour Moscou.

Laisser un commentaire

Votre commentaire sera publié apres contrôle.



Soyez le premier à commenter