Chroniques du Grand Effondrement [Livre 2 – 1]

LIVRE 2 – CHAPITRE 1

Un des phénomènes les plus frappants fut la fuite massive d’urbains vers le refuge de forêts et de campagnes qu’ils ne connaissaient pas. Certains tentèrent de rejoindre le village de vagues parents sans savoir si celui-ci existait toujours, si quelqu’un pourrait les y accueillir, ni même s’ils y avaient encore de la famille. Un peuple de la nuit s’installant dans les vides du monde.
Gilles Groussard, Dynamique de la grande crise. Éditions Démos

La nuit les enveloppait d’un silence réconfortant. Lorsqu’ils atteignirent la Bourgogne, le soleil n’était toujours pas visible, mais on sentait l’aube proche.

L’obscurité nocturne bleuissait et un petit vent humide s’était levé. Quand la nuit enfin dissoute laissa place à une aube livide, ils roulaient vers Sens. Ils avaient croisé peu de véhicules. Les barrages, le manque d’essence, ils ne savaient pas. Lucas surveillait l’indicateur de consommation instantanée, privilégiant les rapports longs.

En passant devant les stations-service désaffectées, il pensa combien la vie d’avant avait été simple: s’arrêter, faire le plein, boire un expresso serré avant de reprendre confiant le volant. Le front contre la vitre, Mona regardait défiler le morne paysage avec dans les yeux quelque chose de glacé dont Lucas ne pouvait dire si c’était de l’indifférence ou de la tristesse.

— Elle s’en sortira? demanda Lucas en fixant la forme endormie dans le rétroviseur intérieur.

— Je pense, dit Mona, à son âge, la vie est la plus forte.

— Au fait, elle s’appelle comment?

— Carla, si je me souviens bien, comme pas mal de gamines nées l’année où Nicolas Sarkozy a rendu publique sa liaison avec le mannequin italien.

L’Espace qui les suivait fit un appel de phare. Lucas s’arrêta dans le gravier du bas-côté. Le conducteur du Renault s’approcha de la portière:

— Je suis d’avis de nous arrêter pour éviter les coupeurs de route.

Lucas se souvenait des statistiques de la police.

— La Bourgogne est nettement plus sûre que Paris.

— Ça dépend de ce qu’on appelle calme, dit l’homme.

Lucas alluma une Marlboro pour s’éclaircir la pensée.

— On va rouler encore un peu jusqu’à Sens, vous faites quoi?

L’homme se gratta le sommet du crâne.

— On fait comme vous.

Sa femme opina, suggérant que, dans cette situation, elle aurait pris la même décision, sans doute inquiète à l’idée de rouler seuls sur cette route déserte. Lucas se dit que ces deux-là les auraient suivis en Enfer.

Une demi-heure plus tard, le jour se fit plus marqué: un soleil d’hiver s’infiltrait dans le matin comme un grand œil spectral observant avec ironie le chaos du monde. Ils quittèrent la route pour un chemin de terre conduisant à un hangar désaffecté.

— Ça semble tranquille, dit Lucas en se garant devant le bâtiment.

Avec la hausse du prix des carburants, de nombreux fermiers avaient renoncé à exploiter la totalité de leurs terres. Les tracteurs qui ne rouillaient pas dans les hangars avaient été revendus au prix de la ferraille. Sans machines, il était illusoire d’espérer cultiver des dizaines d’hectares comme par le passé. La baisse des surfaces cultivées avait simultanément contribué à l’extension des forêts et aux pénuries alimentaires.

Un malheur n’arrivant jamais seul, le coût de l’énergie avait également renchéri celui des engrais azotés entraînant un effondrement des rendements agricoles. The perfect storm expliqua un jour un expert de la Food and Agriculture Organisation à la télévision.

Certains paysans louaient des lopins à des familles venues des villes. Ces néo-ruraux cultivaient des parcelles de légumes, un peu de céréales, vendant le maigre surplus qu’ils parvenaient à dégager. La plupart survivaient dans une situation plus proche de la disette que de l’autosuffisance alimentaire. En choisissant la campagne, ces urbains avaient au moins espéré échapper à la terrifiante insécurité des mégapoles, mais les criminels avaient suivi trouvant en province de vastes zones abandonnées de la police. Ces bandes errantes attaquaient les fermes isolées à la nuit tombée, rançonnant, violant, tuant les hommes avant de repartir vers une nouvelle proie avec butin et captives. Certaines se revendiquaient d’une mouvance salafiste pour la prédication et rejouaient les maquis algériens dans les campagnes françaises.

La grisaille matinale avait fini par se lever. Mona déplia une couverture sur l’herbe, sortit du pâté de campagne et un fromage caoutchouteux d’importation. La mère de la fillette avait posé une bouteille de Minervois et ouvert une boîte plastique contenant une salade de tomates avec des lentilles, des œufs durs et du thon.

Carla qui venait d’émerger de son long sommeil vint s’asseoir avec eux. Le dos appuyé au muret de pierre, ses grands yeux clairs erraient machinalement autour d’elle, ne dissimulant rien des noires pensées qui l’accablaient.

— Je ne connais même pas vos prénoms, dit le moustachu, je m’appelle Philippe Dornier, jusqu’à l’an dernier, je bossais chez Executive Tourism: une société organisant des séjours haut de gamme pour étrangers.

— Aurélie, dit son épouse, en apprenant que la police désertait, nous avons décidé de quitter Paris. Les parents de Philippe habitent près de Mâcon. Et vous, vous allezoù?

— Les Alpes.

— Il paraît que les Suisses ont fermé leurs frontières et mobilisé les réservistes pour éviter un afflux massif de réfugiés.

— C’est ce qu’on raconte, mais nous allons rester de ce côté-ci des Alpes.

— Je ne comprends pas où sont passés les gens, dit Philippe, on dirait qu’une partie de l’humanité s’est évanouie sans laisser de traces.

— C’est à cause de l’insécurité et de la pénurie d’essence, objecta Landry, les gens se terrent chez eux. Seuls les frontaliers peuvent tenter leur chance en se réfugiant dans les pays voisins.

— La montagne, ça doit être calme… c’est un bon choix.

— Je ne sais pas, dit Landry, je sais plus trop à vrai dire. Le village est injoignable. Nous semblons tous habités par l’étrange croyance que l’existence sera plus facile là où on l’a commencée. Comme si nous voulions remonter le flot du temps.

Philippe éclata de rire. Un homme plein de finesse qui possédait cette gentillesse désintéressée des gens intelligents. Mona aida Aurélie à s’occuper de Léa, elle passait beaucoup de temps avec la gamine, la faisait manger. Elle lui tendit la poupée qu’elle avait emportée à Nanterre.

— Regarde Léa, c’était ma poupée quand j’avais ton âge: elle s’appelle Vanille.

Bien que le jouet soit passablement usé, la petite était ravie. Emmitouflé dans sa vieille parka militaire, Pierre somnolait sur une couverture, le bonnet enfoncé jusqu’aux oreilles. Son visage respirait la jeunesse. Une fois son repas avalé, Lucas se leva en disant:

— Je vais me dégourdir les jambes, la conduite c’est usant.

En pensant aux mauvaises rencontres, il avait pris son Glock et vérifié que le chargeur était plein.

Sans vraiment les connaître, il n’aimait pas les paysans. Ceux qui écoulaient leurs produits en région parisienne ne l’avaient jamais emballé: des têtes de renards rusés qui profitaient de la misère urbaine. Lucas avait toujours vécu dans le béton de la banlieue. Quand il pensait à la campagne, des images de toilette sèche lui venaient, des vies mornes et ennuyeuses. Son premier souvenir marquant n’était pas le chant des passereaux, mais un Black maigre à crever agonisant en overdose à côté des caddies du Lidl Market avec de la bave dans la bouche comme quand une machine à laver déborde.

Il ignorait si les médias avaient été pris d’assaut par des milices ou pillés par les bandes de crevards qui ravageaient Paris.Seule France Inter émettait toujours depuis un studio de secours et les journalistes semblaient tirer une grande fierté de ce côté dernier carré. Landry tourna le bouton du volume.

… Paris brûle, de nombreux foyers d’incendie se sont déclarés. Des volontaires essaient de combattre les flammes. Nous ne disposons pas encore d’estimations sur le nombre de victimes. Aux frontières, on signale un afflux important de réfugiés. Des arrivées de bateaux normands et bretons sont signalées sur les côtes anglaises, mais là aussi le manque de carburant limite l’ampleur du phénomène.

Les derniers expatriés ont été évacués de la capitale, certains gouvernements ont même envoyé des troupes spéciales pour exfiltrer leurs compatriotes. Les dirigeants étrangers craignent des prises d’otages avec demande de rançon. Une partie de la population pille et tue pendant que la majorité se terre dans les caves se préparant au pire. Personne n’a de nouvelles du président. Cette absence inquiète certains gouvernements en raison des codes nucléaires.

Certains quartiers organisent leur autodéfense filtrant les accès pour limiter les attaques d’éléments extérieurs. Par ailleurs, d’importants combats à l’arme lourde sont signalés en Seine-Saint Denis et dans la périphérie des grandes villes comme Marseille, Lyon, Lille, Grenoble ou Strasbourg. Ces affrontements opposent principalement les deux seules forces structurées qui émergent de la confusion actuelle: les milices de Rempart et les katibas; sans qu’aucun camp n’ait pris d’avantage décisif sur l’autre.

Ce que la Wehrmacht n’avait pas accompli en quatre ans de guerre, les gangs l’avaient réalisé en quelques heures. Landry regardait Pierre dormir d’un sommeil calme: un visage à peine dégagé de l’enfance. Tout juste dix-sept ans. Landry ignorait ses espoirs, ses rêves. Il ne savait pas grand-chose de son fils, de sa vie. Le monde dans lequel Pierre aurait dû construire son avenir se désagrégeait lentement, et c’était sa génération à lui qui était responsable de cette débâcle générale.Depuis la période spéciale, beaucoup de jeunes partaient travailler à l’étranger. En poussant Pierre à faire des études, il avait agi par réflexe mimétique. Dans ce monde en voie de désintégration, même les meilleurs diplômes ne conduisaient le plus souvent qu’au chômage et à la misère.

Landry se rasa dans le rétroviseur extérieur du Picasso. Lucas n’était toujours pas revenu. Il commençait à s’inquiéter. Carla silencieuse examinait ses ongles rongés jusqu’au sang. Elle avait posé son téléphone à côté d’elle pour que la cellule photovoltaïque recharge sa batterie. Elle ne s’en servait plus que pour écouter de la musique.

Landry se demandait combien de temps le souffle de la mort allait la hanter. Pouvait-elle oublier cequ’elle avait vécu? Mona ne la quittait pas, veillant sur elle comme une sœur inquiète.

Landry voulut partir à la recherche de Lucas, mais Philippe n’était pas chaud pour rester seul avec la petite troupe. Carla, qui s’était éloignée, avait, à son tour, disparu. Landry la retrouva, l’air misérable, à trois cents mètres au bord d’un vaste étang aux eaux sombres ; il était persuadé qu’elle avait voulu en finir, sans en avoir le courage. Il fallait les avoir bien accrochées pour sauter dans cette eau glacée, immobile, plus visqueuse que les bras d’une pieuvre, ces roseaux bruissant d’animaux inconnus. Il imaginait son corps de déesse, fait pour la vie, froid comme une anguille.

Carla avait des absences. Elle aurait pu rester là des heures si Landry ne l’avait pas prise par le bras.

— Viens Carla, tu vas finir par prendre mal.

Sur le chemin du retour, elle resta silencieuse avec un regard indéchiffrable. Ce qui le frappait c’était son incapacité à être vraiment là, elle restait des heures en mode veille comme si quelque chose l’avait happée dans un univers parallèle dont elle ne parvenait pas à s’extraire.

De retour vers les voitures, Landry se sentit soulagé en voyant Lucas en compagnie d’un homme de grande taille en bleu de travail. La cinquantaine maigre, l’œil brillant, la bouche perdue sous de longues moustaches encadrant un nez busqué.

— Je te présente Gilbert Bonnard, il habite la ferme voisine.

Sous sa casquette, l’homme avait une tête d’épagneul mélancolique. Il s’exprimait avec la lenteur grave du paysan économe de ses efforts.

— Ne restez pas ici, la petite va attraper la crève, dit-il, mais prenez les véhicules. Le mois dernier, on m’a même volé une charrue rouillée.

Mona suivait à pied en compagnie de Carla.

— Elles ont l’air de bien s’entendre, dit Landry à Lucas.

— Surtout qu’avec le caractère de cochon de Mona, c’était franchement pas gagné.

Carla tirait en permanence sur les manches de son pull pour les faire descendre jusqu’au bout de ses doigts. Landry se demandait si ce geste compulsif était lié à ce qu’elle avait vécu, à un besoin instinctif de se protéger du monde extérieur. Il espérait qu’elle parviendrait progressivement à chasser ce cauchemar dans un de ces mécanismes biologiques de résilience qui permettent de surmonter les pires épreuves. La nature produisait ses propres contrepoisons.

Massée dans un repli de terrain, la ferme fumait. Un gros bâtiment en pierre faisait un angle droit avec la grange. L’homme avait entrepris la construction d’une palissade pour clore sa cour.

— Avec les attaques nocturnes, je ne ferme plus l’œil de la nuit.

Il travaillait ses terres à l’aide d’un puissant percheron nommé Pompon qui ravit Léa. Son épouse Odile les accueillit dans un babillage familier. Sa présence chaleureuse était une bénédiction qui permettait d’oublier un peu le tragique de leur situation.

Dans sa grande cuisine, une bonne flambée craquait dans le poêle en fonte. Elle mit à chauffer du lait pour Léa et souleva le couvercle d’une marmite. L’odeur qui s’en échappa les fit tous saliver.

— Du bœuf bourguignon, je l’ai fait hier, dit-elle, et ce n’est pas tous les jours. En plus, c’est toujours meilleur le lendemain.

— Vous avez de la chance de vivre ici, dit Aurélie.

— C’est ce que disent certains, répondit Gilbert amusé.

— Moi j’ai toujours rêvé de vivre à la campagne, affirma Philippe.

Le paysan échangea avec sa femme un regard ironique avant d’objecter:

— Sans tracteur, c’est devenu dur. Avant je travaillais seul une centaine d’hectares, maintenant, on cultive juste assez pour nous autres et pour notre fille Emma qui vit avec son copain à Auxerre. Je fais mon bois et c’est tout. Ça nous suffit. Paraît qu’il faut s’en contenter.

Odile Bonnard les resservit avec générosité. Pierre avalait de grosses bouchées de viande. C’était bon de le regarder manger ainsi. Quand l’odeur de pommes caramélisées devint trop forte, elle sortit du four une belle tarte à la pâte croustillante.

— Vous nous gâtez, dit Mona, ça fait du bien de rencontrer des gens comme vous. Nous avons vu tellement d’horreurs à Paris.

— Il y en a partout, dit Odile avec un voile de tristesse dans la voix, si vous saviez le nombre d’attaques de fermes. Certains affirment même qu’ils mangent de la chair humaine. Je crois que ce sont des racontars comme ces contes cruels qui parlent du Grand Méchant Loup. N’empêche qu’on nous a tué une génisse la semaine dernière.

Mona avait blêmi. Une fois sa part de tarte terminée, Léa prit un visage boudeur et résolu.

— Je veux retourner voir Pompon, exigea-t-elle, fascinée par l’odeur âcre et puissante de cette bête dont les naseaux fumaient comme ceux d’un dragon.

Dans l’étable qui sentait le crottin et l’avoine, il y avait aussi du petit bétail: quelques brebis et une dizaine de chèvres qui se grimpaient dessus dans un tintement de clochettes.

La gamine dévorait le spectacle d’un regard d’une telle intensité que la moindre bête prenait à ses yeux une magie insoupçonnée. Comment de si petits êtres pouvaient-ils engendrer les pires criminels? se demandait Mona en la regardant s’émerveiller.

— Suis-moi gamin, dit Gilbert en entraînant Pierre dans l’atelier où il fabriquait sa sellerie, je travaille le cuir depuis que j’ai ton âge. J’ai passé un CAP de maroquinerie, mais toutes les usines ont fermé à cause de la concurrence asiatique. Les lanières de ton sac à dos sont usées, je vais te montrer comment en retailler de nouvelles.

Il sortit une longue pièce de cuir. Pierre était fasciné par la précision de ses gestes. Il aimait entendre le tranchet passer dans le gras du cuir odorant et le marteau teinter sur le veau neuf. Quandles lanières neuves furent taillées, l’homme les fixa: le sac était métamorphosé. Pierre le fit tourner avec fierté. Le cuir souple couleur beurre frais et doux comme une peau de chamois lui donnait un aspect luxueux avec ses larges lanières épargnant la chair des épaules.

— Vous pensez reprendre la route ce soir? demanda le fermier en allant chercher une vieille poire qu’il distillait lui-même.

— C’est ce qu’on avait en tête, dit Lucas.

— Pourquoi pas en journée? Vous croyez que c’est plusdangereux?

— Moi je le pense, intervint Landry, même les assassins doivent dormir.

— Vous savez, à Sens il n’y a pas des masses d’assassins, comme vous dites. À votre place, je roulerais de jour tant que vous restez loin des villes.

Au retour de l’étable, les filles firent un brin de toilette. Assise sur le lavabo, enveloppée d’une épaisse serviette qui sentait l’assouplissant, Léa regardait Mona se brosser les dents. Sa mère lui attacha les cheveux avec un chouchou pendant que la fillette prenait un malin plaisir à enrouler de manière compulsive ses boucles entre ses doigts. Elle demanda à Mona:

— Tu fais quoi à Paris? Tu vas à l’école?Tu es maîtresse?

— Si on veut, je suis une maîtresse, répondit Mona en riant, mais va vite t’habiller avant de prendre froid.

La discussion tournait toujours autour de l’opportunité de rouler de nuit. Au final, ils décidèrent de repartir à la nuit tombée.

— Ça m’embête de vous demander ça, dit Landry.

— Dites toujours, répondit le fermier devenu soudain méfiant.

— On n’a pas assez d’essence pour toute la route alors je pensais…

Quelque chose tomba derrière les pupilles du fermier, comme un rideau qu’on tire rapidement devant une vitre. Landry eut le sentiment d’avoir été grossier, regrettant aussitôt sa requête. L’agriculteur prétendit ne pas avoir de carburant avant de changer de sujet. Lucas savait qu’il mentait. Il avait remarqué une vieille Polo dans le garage, mais il se tut. À sa place, il aurait fait la même chose. L’essence c’était la vie.Pour se faire pardonner, le paysan leur vendit des provisions à des prix plus bas que dans la capitale. De toute façon, s’ils en jugeaient par les dernières nouvelles, la plupart des commerces avaient été mis à sac.

Landry se demanda comment les gens allaient s’approvisionner. Il pensa à son immeuble rue de Dantzig, à la pauvre MadameRosario, à la Mère Patureau. Qu’étaient-elles devenues? Ils allumèrent la radio:

… situation est extrêmement confuse dans certains quartiers où les habitants s’arment pour résister aux gangs. Certains mettent en cause l’ouverture des prisons, d’autres parlent de nettoyage ethnique même si la plupart des attaques n’ont d’autres buts que le pillage. Des milices s’organisent pour filtrer les accès aux quartiers.

Landry décida de pousser du côté de la route avec une paire de jumelles.

— Faites gaffe, lui conseilla Gilbert, il y a des loups dans la région, mais le pire ce sont les chiens sauvages: ces saloperies harcèlent tout ce qui bouge. Le mois dernier, une meute m’a esquinté deux brebis.

Assis à une centaine de mètres de la route, Landry vit après une demi-heure déboucher un groupe d’une trentaine d’individus: une bande pauvrement vêtue, composée d’hommes en armes et de trois femmes paraissant être captives. Landry sentit son cœur se serrer à leur vue. Il eut juste le temps de se mettre à couvert.

La troupe marchait plein Nord. Un gamin à vélo faisait office d’éclaireur poussant quelques centaines de mètres devant le groupe avant de revenir faire son rapport. Heureusement, la ferme était invisible depuis la route départementale.

Il attendit que la colonne disparaisse après une courbe comme elle avait surgi du néant. Cet évènement le conforta dans sa décision de ne reprendre la route qu’à la nuit tombée.

Il avait hâte de se retrouver parmi les siens. L’appel de la tribu n’avait jamais été aussi fort dans son cœur.

Une fois de retour à la ferme, il n’en parla à personne pour ne pas les inquiéter inutilement. Agrippée à Vanille, Léa dormait déjà dans une des ces poses décontractées que seules savent prendre les fillettes: la tête inclinée, les lèvres en cul de poule, une bulle au coinde la bouche. Filet de salive tendu vers ses rêves. Une image du bonheur.

Laisser un commentaire

Votre commentaire sera publié apres contrôle.



2 Commentaires

  1. Pas mal ! mais réaliste ? je vois l’avenir autrement. Seuls les muzz pourront faire respecter l’ordre, donc les bourges vont s’entendre avec eux, c’est bien parti.On aura la dictature de la charia. Les Bourges, le monde étant plein, donneront tout à ces muzz pour survivre et là, les frontières seront bien gardées car les muzz ne piffent pas les afros. Dans la tête des bourges, bourges, ça sera moins moche que l’invasion par 300 millions de va-nu-pieds afros.
    Deux indices : 1) à Beaucaire, la “commmunauté” prenent le parti de mzz contre Sanchez pour les repas de substitution. 2) les USA redoutent de se battre contre l’Iran…..