Invasion et chute de la France – Le Camp des Saints [FIN]

Le temps des mille ans s’achève. Voilà que sortent les nations qui sont aux quatre coins de la terre et qui égalent en nombre le sable de la mer. Elles partiront en expédition sur la surface de la terre, elles investiront le camp des Saints et la Ville bien-aimée. [Apocalypse, XXe chant.]

Jean Raspail avait vu juste, voici le récit de l’invasion migratoire de la France jusqu’à la chute du pays.

CHAPITRE 49

L’avion se présenta le lendemain à la même heure, soit le jeudi qui suivait Pâques. Lorsqu’il passa en rase-mottes au-dessus du clocher, chacun put constater qu’il arborait ses cocardes d’origine. Mais il n’en prit pas prétexte pour battre des ailes en signe d’amitié. Il fila vers la rivière qu’il longea jusqu’à la ferme ouest, vira largement pour reconnaître Fontgembar, puis la ferme de l’est, et piqua de nouveau sur le Village, de toute la puissance de ses réacteurs. Aux frontières, des milliers de corps se dressèrent, comme si l’avion les soulevait de son souffle. On entendait des hourras hurlés à pleines poitrines, qui dessinaient un cercle sonore d’enthousiasme tout autour du territoire.

— Couchez-vous ! cria le colonel.

Les vitres de la mairie volèrent en éclats tandis que les pierres de la façade s’effritaient sous l’impact des balles. Puis l’avion traça son sillage fracassant à quelques mètres au-dessus des toits et disparut en direction du nord.

— Il a signé, dit le colonel. C’est tout ce qu’il voulait. Pour que nous sachions à quoi nous en tenir sur le compte de ceux qui suivront. Qui sait ? C’était peut-être un ancien camarade…

Du nord, parvint un lointain grondement sourd, qui s’amplifiait de seconde en seconde.

— Les avions de Fosse, dit le colonel.

Déjà, on pouvait les compter : six vagues de trois.

— Dix-huit. On a trouvé dix-huit pilotes pour accomplir ce travail !

En fait, trois escadres de dix-huit se succédaient à cinq minutes, mais ils n’eurent plus le loisir de les dénombrer. Ce qui, sans doute, allégea leur peine à l’instant de mourir.

Sur la terrasse, ils étaient tous rassemblés, debout, autour de Dragasès.

— Il reste deux solutions, dit-il encore. Tenter une sortie, en groupe, ou chacun pour soi. Mais, regardez !

Il désignait la campagne, autour du Village. On n’y voyait plus que la foule qui affluait en hurlant. Le chemin en lacet qui descendait de Fontgembar grouillait de milliers de fourmis humaines qui formaient une colonne sans fin, hérissée de poings, de bâtons, de faux, de fusils…

— Finir au corps à corps, mélangés à ces gens-là, dans une boucherie, cela n’a plus de sens.

— Et la deuxième solution ? interrogea le ministre, mais tous avaient déjà compris.

— Attendre ici, simplement. Cela ne saurait nous conduire au-delà de deux minutes. Tués par les nôtres, c’est quand même plus propre. Et puis, au moins, cela signifie très exactement la fin. Plus rien à regretter…

— Est-ce cela que vous appeliez : un dénouement qui nous convienne ?

— C’est cela.

— Je le savais, dit le ministre. Et personne, ici, ne l’ignorait. C’est pourquoi nous vous avons suivi.

Puis il se redressa et sourit, comme s’il lui venait une idée amusante :

— Monsieur Sollacaro, dit-il, puisque vous avez bonne mémoire et que vous êtes notre aumônier, peut-être serait-il temps de réciter quelques prières…

Ces derniers mots se perdirent dans le fracas des bombes. Construite en 1673, la maison du vieux M. Calguès, bâtie pour durer mille ans, ne fut plus qu’un tas de gravats, parmi d’autres, au Village.

Quand les gendarmes montèrent pour identifier les morts, ils butèrent sur un panneau grillagé, curieusement intact au milieu des décombres. Gange : trois cent douze bâtons. Assimilés : soixante-six bâtons.

C’était le dernier tableau de chasse du jeudi de Pâques, à midi.

Il convient d’y ajouter : le colonel Constantin Dragasès, chef d’état-major général ; Jean Perret, secrétaire d’État ; Calguès, professeur agrégé de littérature française ; Jules Mâchefer, journaliste ; le capitaine Luc Notaras, commandant du cargo « île de Naxos » ; Hamadura, Français de Pondichéry ; M. le duc d’Uras, bailli de l’Ordre de Malte ; Sollacaro, propriétaire de bordel ; le deuxième régiment de hussards, dit « Hussards de Chamborant », avec un maréchal des logis et trois cavaliers ; le premier commando de marine, avec un capitaine et cinq hommes ; Crillon et Romégas, natifs d’Uras, dans le Vaucluse. Vingt, au total.

In memoriam. C’est bien le moins que quelqu’un s’en souvienne.

CHAPITRE 50

Je m’en souviens, à l’heure où je termine le récit de ces événements. J’ai plus écrit pour moi que pour être lu, car l’histoire officielle a désormais force de loi et je ne compte pas me voir jamais publié. Tout au plus puis-je espérer que mes petits-enfants me liront sans trop éprouver de honte en songeant que mon sang coule aussi dans leurs veines. Et d’ailleurs, que comprendront-ils ? Est-ce que le mot de racisme aura encore une signification quelconque pour eux ? De mon temps, il prenait déjà des sens si divers que ce qui n’était pour moi que la simple constatation de l’incompatibilité des races lorsqu’elles se partagent un même milieu ambiant, devenait aussitôt, pour la plupart de mes contemporains, un appel à la haine et un crime contre la dignité humaine. Tant pis, ils penseront ce qu’ils voudront !

Qu’il leur suffise de savoir, pour modérer leur colère ou expliquer leur étonnement, que j’ai écrit ce livre en Suisse. Au cours de ce récit je crois y avoir déjà fait allusion. L’étrange sursis que ce pays me donna, à moi et à quelques-uns ! Je ne parle pas des lâches, qui, après avoir crié « taïaut ! » plus fort que les autres, furent les premiers à s’enfuir. Je parle de ceux qui prirent le chemin de la Suisse pour tenter d’y prolonger ce qu’ils aimaient : une vie à l’occidentale, entre gens de même race. Étonnant petit pays ! Objet de risée depuis longtemps déjà, parce qu’il se contentait de vivre heureux sans se déchirer de remords et que l’élévation de sa pensée ne dépassait guère la poursuite d’un bonheur un peu terre-à-terre. Être Suisse, c’était porter une étoile jaune. Entre la haine, la condescendance et le mépris, le monde des bien-pensants montrait sévèrement du doigt, à tous les gogos scandalisés, cette Suisse qui osait se réclamer de valeurs égoïstes aussi anormales. Puis, très vite, dès ce lundi de Pâques, elle ne fut plus qu’objet de haine.

Car elle mobilisa. Comme chaque fois qu’une guerre mondiale la cernait. Elle se donna un général. Elle ferma ses frontières. Et pis encore ! Elle expulsa le bistre de son territoire, ou tout au moins se mit-elle à le surveiller de si près qu’on cria à la reconstitution de ghettos et de camps de concentration. Ce n’était pas vrai, j’en témoigne, mais il est certain qu’une peau foncée éveillait aussitôt la méfiance. Je me demande, d’ailleurs, si au pays-drapeau des libertés internationales, il n’en avait pas toujours été ainsi. Les Nations Unies quittèrent évidemment la Suisse, avec tout leur vaniteux cortège d’organismes humanitaires. À Genève, curieusement, l’on se surprit à mieux respirer. Inutile de préciser que ce fut de courte durée. Quelques mois. Même pas une année.

Car la Suisse, elle aussi, était minée de l’intérieur. La bête y avait creusé toutes ses sapes, mais avec tant de précautions qu’elles furent plus longues à s’écrouler. Et la Suisse, par larges pans, s’oublia à trop penser. Sa chute fut plus décente. Le fameux bouclier de la neutralité impressionnait encore vaguement et l’on prit des gants pour sonner l’hallali. De l’intérieur et de l’extérieur, les pressions se firent progressivement plus fortes. Le coup de Munich. Imparable. La Suisse dut négocier. Elle ne pouvait y échapper. Aujourd’hui, elle a signé.

À zéro heure, cette nuit, ses frontières seront ouvertes. Depuis plusieurs jours, déjà, elles n’étaient quasiment plus gardées. Alors je me répète lentement, pour bien m’en pénétrer, cette phrase mélancolique d’un vieux prince Bibesco : « La chute de Constantinople est un malheur personnel qui nous est arrivé la semaine dernière. »

Jean Raspail

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2 Commentaires

  1. Je possède un original acheté en janvier 74 à Likasi (ex – Jadoville / Zaire). Impressionnant . Il a beaucoup tourné ,et appellait plus a la rigolade que la mesure sérieuse de ce qui se préparait. Pauvres imbéciles.
    J’ai également l'”édition augmentée de “Secouons le cocotier”

  2. À cause des Gauchiasses du monde Politico Médiatique, politique et culturel l’immigration de masse entraîne l’anéantissement de la France et pourtant Mr Jean Raspail l’a prédit !