Requiem pour un poisson rouge XL

Neuilly c’est classieux pour recevoir le grand monde.

Pas encore 17H, mes invités vont pas tarder, ah, j’entends les aboiements d’un clébard, y a toujours du clebs dans ces gourbis de luxe. Il me casse les burnes depuis 1 heure ce sbire.

Gagné, on sonne…

– Bonjour Maître.

– Bonjour Baron, à l’heure comme toujours, la politesse exquise de la noblesse. Entrez, installez- vous dans le salon, il y a de la boisson, servez- vous. Un autre invité arrive, je l’aperçois au bout du parc.

– Bonjour M Prouvost.

Toujours la même dégaine de pédale joyeuse le Prouvost…

– Bonjour Maître, je ne suis pas trop en retard, ma montre me fait des fantaisies.

– Non, vous êtes dans les temps. Qui utilise les montres à notre époque à part les bananias qui tapent dans un ballon? Il y a les mobiles maintenant. Entrez, installez- vous dans le salon, j’arrive dans une minute, faut que ferme le portail, la foutue télécommande a calanché.

M’sieur Clémenceau…

– Je vois que vous êtes installés, ah! Vous avez cassé un verre cher Baron, sept ans de malheur!

Ma petite remarque n’eut pas le don de dérider mes deux pantes, l’atmosphère est légèrement lourde et crispée.

– Une fausse manœuvre en voulant me servir, je suis désolé, surtout que c’est du cristal.

– Bof, le sort d’un verre est de finir à la verrerie. En plus entre nous je m’en fous, je ne suis pas ici chez moi. Ne soyez pas stressé, vous tremblotez.

– Vous avez changé de bureau?

– Provisoirement, j’ai décidé de refaire mon cabinet, possible que je vende donc faut un peu rafraîchir.

– Vous vendez?

Pour l’instant seul Le Baron intervient dans cette conversation passionnante.

– Il est temps de prendre la retraite, j’ai quelques économies, je vais en profiter.

– Vous avez bien raison, Maître.

Répondit mamie Lopette. Plus je l’observe plus je vois la tante.

– Oui, provisoirement un confrère me prête aimablement ses locaux pendant ses vacances, il est confortablement installé comme vous le voyez. Il n’a pas fait dans les affaires à la con comme moi, je ne parle pas de vous, attention. Il fait dans le divorce de luxe, ici la clientèle ne manque pas. Ciel, quelle horreur, quelle faute!

– Qu’y a- t- il Maître?

Dit d’un ton anxieux le nobliau.

– J’ai failli à tous mes devoirs, je suis dans le grand monde et me comporte comme un taulier de bordel miteux, je n’ai pas fait les présentations.

– Ce n’est pas grave, nous avons lié connaissance pendant votre absence.

– Vous avez pris langue comme on dit, magnifique. Je vois qu’en plus vos verres sont pleins, je n’ai plus rien à faire.

Les sourires de circonstance des deux marloux sont crispés, pourtant je suis un bon ambianceur d’habitude.

– Vous savez que vous avez des points communs tous les deux?

– Ahh!

Firent- ils en chœur.

– Sans déflorer le sacro- saint secret professionnel, au moins deux.

– C’est à dire?

Me rétorqua la baronnie sur un ton agacé.

– Vous êtes veufs tous les deux, vos épouses respectives sont décédées du même mal et vos deux fils vous causent des soucis, ce qui explique notre présence ici.

– Maître, j’ai un rendez- vous ce soir, il serait temps de parler de nos dossiers.

Il devient de plus en plus agacé le mec, et dehors le clébard aboie encore plus, quelle ambiance.

– Je commence par qui?

– Je laisse ma place à M Régalière, il a un rendez- vous, ce n’est pas mon cas.

– Et premier arrivé, premier servi. M le Baron, où est passée la traditionnelle galanterie, courtoisie, chevaleresque?

– Comment cela?

Le ton est sec, comme mon gosier depuis 3 jours ou 4 je sais plus.

– On laisse toujours la place aux femmes dans le monde civilisé, nous ne sommes pas à Ouarzazate.

– J’avoue ne plus trop comprendre votre humour.

A côté de lui, le Prouvost est figé.

– Allons, finie la comédie, n’est-ce pas Mme Lecerf.

Avec la rapidité de l’éclair j’arrache la perruque du pédoque. Les deux traine- patins n’ont pas eu le temps de réagir, la mère Lecerf a poussé un cri. A la regarder c’est pas la volaille de l’année, Le Baron tapait dans la sélection avant, là c’est fin de race.

– Je te l’avais dit que cette histoire se terminerai mal, toi et tes combines!

– Houlà, attendez pour le règlement de comptes à Ok Corral. Les veufs éplorés, les amants éplorés et fauchés…

– Je vois Maître que vous avez découvert le pot aux roses, une partie, il y a un imprévu. Rien n’est perdu chérie.

Le Baron a subitement retrouvé de l’assurance.

– Vas- y, tu peux entrer.

Et alors je vous le donne en mille. Qui fit son apparition un flingo à la main?

– Bon scénario, dans un bon polar il y a toujours la guest- star qui intervient au moment opportun. Pas vrai Paulo.

– Ta gueule!

– T’a oublié tes cours de politesse dans ta casbah?

– Ta gueule et lève les mains.

– Je peux m’assoir ? Ma sciatique…

– Patron, vérifiez, ce salaud doit être enfouraillé.

Me voici dépouillé de mon armement. Faut avouer que la situation est pas terrible, les lois de la statistique sont contre moi.

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