Requiem pour un poisson rouge XXXVI

Le mec a rafalé la sortie d’un théâtre, l’Odéon, bof, des intellos pro- immigration, il s’est fait descendre par les flics en patrouille, le bilan est pas clair, cons de journalistes, jamais au courant de quoi que ce soit. Ils ne parlent pas de véhicule suspect, on sait jamais, quand t’es dans la série noire, autant y être avec une tire recherchée du même type que la nôtre.

Et pas possible de contacter Margot, c’est pas son style d’aller au théâtre mais suffit que sa meilleure copine de lycée qu’elle a plus vue depuis 20 ans débarque juste ce jour et qu’elles décident d’une virée en ville.

De son côté elle doit tenter de m’appeler et elle tombe sur le répondeur chez moi.

Ce merdier arrange pas mes affaires, la foirade la voilà. Des flics partout, c’est sûr, on va être bon pour des contrôles, même pas certain qu’on puisse sortir de la ville. La virée discrète en province c’est loupé.

– Le réseau portable doit être saturé.

Dingue, c’est la transmission de pensée ou quoi?

– Les papiers de la bagnole sont où?

– Dans la boite à gants.

– Ce sont des faux authentiques?

– Tout ce qu’il y a d’authentique.

En tout cas l’ami bidasse conduit imperturbablement, quasi indifférent aux patrouilles de flics que nous croisons et qui semblent être dans une désorganisation complète.

– Vous voulez reporter l’opération?

J’avoue que l’idée m’a effleurée.

– Non, faut foncer, trop tard pour reculer, surtout qu’on ne sait pas quand les conditions favorables seront à nouveau réunies, je suis pressé d’en finir.

Rassuré et satisfait, mon pilote a poursuivi la route. Périph’, incroyable personne, deuxième porte direction notre cible, toujours pas de barrages, rien, l’horizon s’est éclairci, enfin en imagination car comme prévu il flotte, pour une fois j’adore la flotte. Environ une demi- heure de route et nous serons sur zone.

Après un trajet sans encombre nous y voilà enfin. Il est presque 3 plombes, le ciel est avec nous comme annoncé.

A cette heure et vu le temps merveilleux y a pas âme qui vive dans ce bled paumé, même pas un clébard pour aboyer.

Ca y est, nous avons atteint l’objectif qui comme souvent est à l’extérieur du village. Le para gare la bagnole dans un chemin de traverse à l’abri des regards et nous voilà à faire 100 m à pinces jusqu’au but avec le barda.

Le colon s’est pas foutu de ma gueule avec les lunettes de vision nocturne, c’est mieux qu’une torche. Nous voici arrivés devant un grand portail.

– Soldat, je crois que nous y sommes.

– Oui, cimetière municipal.

– Comme à cette heure il est fermé, je vous laisse officier pour ouvrir ce portail.

Même pour rendre visites aux morts il y a des horaires, pourtant ils ont tout leur temps pour recevoir leurs familles. Les maires manquent d’imagination, ils devraient organiser des nocturnes. Le gars en efficacité surclasse Paulo qui n’est un manche.

La formalité accomplie nous entrons dans le cimetière, l’ambiance est digne d’un film d’épouvante, les bourrasques de vent qui font plier les arbres, la flotte qui s’abat, la nuit noire et l’orage qui gronde.

– Va falloir trouver cette foutue tombe, vous avez le nom?

– Affirmatif, on va faire moitié- moitié le premier qui trouve gagne un séjour à Mérogis.

Heureusement c’est pas le Père- Lachaise, on a vite fait le tour.

Bingo, j’ai gagné, enfin vérifions, ça serait con d’avoir fait plus de 100 bornes pour une plantade.

Madeleine Lecerf née le…, décédée le… , ça correspond, la pierre tombale est simple, ce qui facilitera le travail. Il n’y a plus qu’à appeler mon gars et bosser, surtout lui.

Seul jamais j’aurai pu m’en sortir, lui est du génie, c’est pas une tombe qui va l’impressionner. J’imagine, si j’étais venu avec Margot, elle aurait réveillé le département avec ses hurlements, m’aurait traité de malade et fait la gueule pendant une semaine.

Il a commencé à attaquer le tombeau, le fabuleux orage couvre le bruit, le ciel est avec nous, plus jamais je ne maudirai le mauvais temps, tout se déroule comme le plan prévu.

C’est fait, la pierre est dégagée, il a travaillé proprement, il n’y a pas trop de dégâts. Reste plus qu’à attaquer le cercueil, je lui demande juste de me soulever le couvercle.

Il a vite fait de faire sauter la visserie et voilà, c’est fait!

J’avoue que le cœur bat un peu plus vite que d’hab’, ce genre de fantaisie à mon âge franchement! Comme spectacle je préfère le Crazy.

La défunte est bien en place, enfin du moins il y a un cadavre… Au départ j’étais pas sûr d’en trouver un.

– J’ai encore quelque chose à faire?

– Non, merci, beau boulot, à part refermer. Mais avant j’ai quelque chose à récupérer.

Ni une ni deux je récupère à coups de burin deux doigts du macchab, légiste, ça m’aurait plus légiste.

Laisser un commentaire

Votre commentaire sera publié apres contrôle.



Soyez le premier à commenter