Requiem pour un poisson rouge XV

– Je vais voir, je sais qu’on a jeté beaucoup de paperasses après son décès, je garantis rien. Je suis à votre disposition de toute façon si vous avez besoin d’autres précisions.

– Je pense que ça devrait suffire.

– Vous voyez mon fils quand?

– Cette semaine probablement, je vous tiens au courant, bonne journée.

– Bonne journée à vous aussi.

– Alors boss, la lumière est venue, ça avance?

– Mmmouiii, pour avancer, ça avance, peut- être pas dans la direction voulue mais ça avance.

– Z’êtes bien mystérieux.

– Ben pour l’instant je ne peux en dire plus car je n’ai aucune certitude mais j’avoue que la brume se dissipe sur le mont Fuji.

– Votre charabia j’y comprends rien.

– Vous ne comprenez rien à la poésie nippone ma chère… Vous devriez vous mettre à l’art de l’estampe.

– En attendant, la « ma chère » elle vous a dégotté les coordonnées de l’assureur, je l’appelle?

– Non, j’irai le voir, chaque chose en son temps…

– Et cherchez un certain Dr David Cherki, il serait dans le XIV- ème. Bon, je vous laisse, j’ai des trucs à faire, vous savez comment me contacter.

– Au bistrot! Vous allez encore vous enfiler des 16…

– Vaut mieux s’enfiler des 16 que du gnoule comme certaines.

– Je vois de qui vous parlez, pauvre fille, c’est votre cliente en plus.

– Si on avait eu que des dingos de ce calibre, il y a longtemps que vous auriez été chomedu. Bon, je me tire, j’ai des trucs à régler.

En fait de bistrot, c’était plutôt le marchand d’assurances et puis le XIV- ème c’est pas trop loin, je peux y faire un saut et j’ai aussi quelques coups de fil à passer et je préfère utiliser un autre réseau plus discrètos. Ma carrière exceptionnelle m’a permis de nouer certaines relations dans certains milieux, je crois que vais un peu en profiter… y a un paquet de mecs qui me doivent des services et sans les intérêts.

Ma petite visite chez l’assureur n’a pas été inutile, la taulière était réticente au départ, heureusement mon charme naturel spécial ménopausée a de nouveau fonctionné… C’est l’avantage de l’âge, on a l’expérience.

VI

Comme il est dit que je ne pourrai jamais avoir une minute de tranquillité, la Margot m’envoie un SMS, belle invention casseuse de couilles, pour me prévenir que Le Baron souhaitait me rencontrer en fin d’après- midi.

Le Baron, un bail que je n’avais eu de ses nouvelles. Ne vous méprenez pas, c’est un authentique Baron, du moins le dit- il, je ne vais pas entrer dans les méandres des divers titres nobiliaires. M Louis- Jean De La Régalière, baron de son état souhaite me voir. Bizarre comme en ce moment des anciens clients remontent à la surface. La Régalière, son père Jean- Eudes détenteur du titre de Compagnon de la Libèration, fit fortune après la guerre, c’est dingue le nombre de résistants qui sont devenus riches soudainement… Bref, il a fondé un bel empire immobilier, de presse, plus quelques babioles par- ci par- là, avec of course une belle carrière d’élu de la république, député- maire du fief provincial puis sénateur.

A son décès, son fils, notre Louis- Jean a récupéré le tout, sa sœur a pris la monnaie et a épousé un riche banquier helvète, du grand classique, normal comme dans toute famille bien née. Si son père avait une vie privée assez ascétique, notre héritier en chef a eu une vie un peu plus aventureuse. Plus il avançait en âge, plus il les prenait jeunes, sauf que tout cela engendrait des demandes de pensions exorbitantes, d’où mes interventions, qui il faut le dire, lui ont sauvé les bidons.

Bon, me voilà rendu au Vésinet à la recherche de son hôtel particulier, grâce soit rendue à la technologie de l’armée américaine qui permet de trouver sa route sans déployer une plan à la con ou demander sa route à un quidam qui la plupart du temps est infoutu de vous dire où se trouve la rue d’à côté. Ca me rappelle un truc qui m’est arrivé il y a plusieurs années, j’étais dans un bled paumé, je cherchais ma route, je vois un pante local, je lui demande le chemin, je vous le donne en mille, c’était le sourd- muet du village. Pour les bons coups, je suis toujours présent…

18h30, je ne pense pas être trop en avance, encore moins en retard, je suis devant le portail de la baraque, c’est magnifique le progrès, on appuie sur un bouton pour s’annoncer et un loufiat vous l’ouvre à distance. Nostalgie, avant un gardien en livrée venait obséquieusement à votre service. Je gare la tire, c’est pas la place qui manque et me voilà devant la porte d’entrée, j’ai même pas le temps de souffler que là en effet, un loufiat m’ouvre.

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