Guerilla – Tome 1: 16-18

DEUXIEME JOUR – 16

Ma vie est mon seul enseignement.
— Gandhi

SAINT-ÉTIENNE, 8 H.

Nadine avait un doute.

Un peu comme des milliers d’enseignants, en ce petit matin du deuxième jour, dans tous les établissements scolaires de France. La dernière fois que le rectorat leur avait demandé d’organiser une discussion d’actualité avec leurs élèves, ça s’était terminé en appels à « cramer les feujs ».

Nadine y avait pensé toute la nuit, et s’était dit qu’une minute de silence en mémoire des victimes du massacre, serait plus appropriée. De toute façon, les élèves ne parlaient déjà que de ça, et Nadine savait par expérience qu’il était impossible de les faire revenir sur leurs préjugés. Il ne fallait pas sous-estimer l’ampleur de « l’émotion » suscitée par l’événement.

Pour une fois, les élèves entrèrent sans bruit. Le choc, pensa-t-elle. Du haut de son éternel tailleur vert olive, elle prit un air compatissant. Portant pour la plupart des casquettes, des écouteurs, des lunettes noires, ils laissèrent tomber leur sac et se vautrèrent à leur table. Quand elle parla de minute de silence, ce fut un vacarme indescriptible.

« Oh c’t’e carna !

— Zyva pourquoi de silence ? Vous nous mettez une disquette là madame ! »

Elle fit semblant de ne pas entendre les injures qui se murmuraient dans toute la salle, dans leur langage à eux. « Téma la timp’s », « trop guéze la seugro », « paye ta vieille zouz… »C’était la routine.

« C’est vrai ça, pourquoi on n’en parle pas ? Tu veux défendre les flics, toi, t’es un Français, Madame. Nous on a trop le seum !

— Merci, Habib. Il n’est pas question de censurer, et… Benoît, s’il te plaît, descend de cette table.

— Madame en vrai tu chnikave les feujs ? »

Les autres élèves se mirent à hurler, comme à un clash de rappeurs.

« Popopoooo !!!

— Wesh il a enterré le respect…

— Tu l’as ter-mi-née ! »
Nadine fit ce qu’elle savait faire de mieux : ignorer l’attaque.

« Bien, sortez vos livres de géographie… »

Une bronca indéfinissable s’éleva de la salle.

« Nik tout ! On fout le zbeul !!!

— La ouferie totale !

— La leçon du jour concerne les… s’il vous plaît. »

Elle recevait des boulettes de papier, des règles, un taille-crayon.

« Je veux bien parler de ce qui s’est passé avec vous, mais… Benoît ! menaça-t-elle. Ça va finir en rapport ! »

Elle n’attendit pas le « touche ma euk », sa fin de non-recevoir à lui, pour frapper nerveusement à la porte située à côté du tableau. Le silence ne se fit pas pour autant. Benoît ne remonta même pas son pantalon. Le professeur de physique entra. L’homme sévère ne put se contenter de son charisme habituel. Un incident venait d’éclater au fond de la classe. Mounia gifla violemment Amaury, en le traitant de sale schmidt.

« Son reup est schmidt ! hurlait-elle.

— Y’a dra ! Y’a dra ! » criait Benoît.

Trois autres élèves se levèrent.

« Sale poucave de frome !

— Nikoumouk, kisdé de halouf !

— Sale feuj ! »

Le professeur de physique dû s’interposer, et finalement se battre, en criant à Nadine d’aller chercher les surveillants. Dans le couloir, en larmes, Nadine appelait au secours. Elle était un des meilleurs éléments de l’académie. La campagne « Le respect nik tout », taguée dans tous les lycées, était une idée à elle. Son projet, sa fierté.Elle s’en voulait terriblement. Elle était au bout de sa mission. Elle leur avait consacré toute sa générosité… Elle les avait acceptés, tels qu’ils étaient, sans préjugés. Elle avait tout fait pour se montrer compréhensive, pour s’adapter à leurs grandes difficultés, et ils persistaient à dire « vous, les Français ».

Quel gâchis. Quelle tristesse…

Elle aurait donné n’importe quoi pour être acceptée par eux.

DEUXIEME JOUR – 17

La victoire aime l’effort.
— Catulle

LA COURNEUVE, 9 H.

C’était donc là. C’était le territoire zéro. Dix, quinze-mille habitants ? Nul ne le savait précisément. Des centaines de familles, des milliers de jeunes, fichés, armés, vivant d’impôts et de crimes, gouvernés par la rancœur, les salafis et les caïds. Vu de l’extérieur, on ne comprenait pas pourquoi ce quartier ne se soulevait qu’une fois tous les quatre ans. Ça ressemblait à une sorte de miracle.

Les médiateurs, eux, le savaient : des structures sociales fortes, qui n’existaient plus ailleurs – la religion, la famille, le clan –, le régissaient entièrement. Or, ces structures venaient de se liguer contre l’État, pour lui mener une guerre totale.

C’était la cité Taubira.

Face à elle, une palissade de fer.

Sur les parkings, une dizaine de fourgons, équipés de grillages anti-émeutes, bloquant les entrées en enfilade du bloc d’immeubles. Derrière le barrage, des hommes casqués, armés, équipés de brassières, de jambières, de pare-balles et de boucliers, Tonfa et lance-grenades au poing. Il y avait là une compagnie de CRS, un escadron de gendarmes mobiles, et quelques policiers du quartier. Un peu moins de trois-cents hommes, pour sécuriser ces immenses tours. L’épicentre de ce que les médias appelaient « les émotions populaires », et qui commençait à ressembler à une guerre civile.

« Sécuriser », c’était un grand mot : le but était de contenir les insurgés les plus radicaux, et d’empêcher la mise à sac du quartier. Par leur seule présence, les CRS concentraient sur eux l’attention des émeutiers, et évitaientainsi la propagation des pillages et des incendies.

Investir la cité et récupérer les corps de la cage d’escalier n’était plus une priorité. Par intermittence, les gardes mobiles tiraient des grenades défensives vers le cœur de la cité, une sorte de place triste, constellée de bornes anticirculation, et dont les carrés de pelouse, bien que nettoyés un jour sur trois, étaient jonchés de détritus.

Le ciel était gris et lourd, nappé du brouillard des gaz lacrymogènes. Derrière les murs, s’étaient un temps élevés des panaches de fumée noire, peut-être pour attirer et piéger des secours. Les CRS furent arrosés de projectiles toute la nuit. Puis ça s’était calmé.

Le dispositif remplissait sa mission, mais la situation restait délicate. En plus de l’hostilité des quartiers alentours, policiers et gendarmes étaient privés de retraite : le métro était fermé, les deux avenues les plus proches rendues impraticables, obstruées de véhicules abandonnés, pour certains incendiés, dans la panique et la folie de la nuit.

À l’abri du barrage, après une nuit d’affrontements blottis derrière les CRS, Zoé Lorenzino et Noah Ascaris avaient l’air de soldats coincés derrière les lignes ennemies. Impossible de déserter : les émeutiers tenaient les environs, et leurs projectiles fusaient en continu du haut des vieilles tours. Au petit jour, une vieille dame sortant de chez elle avait reçu une boule de pétanque en pleine tête. Faute d’ambulance, on dut la secourir avec les moyens du bord, dans un fourgon.

Au cœur du dispositif, ils étaient un petit groupe silencieux d’une dizaine de civils, ahuris de peur et de fatigue, coincés ici par les événements. Parmi eux, Zoé et Noah avaient rencontré un des leurs, Maël, jeune anarchiste aux airs déterminés.

« J’ai passé la nuit à caillasser ces porcs de flics par ma fenêtre. Je squatte le plan d’un pote, en haut de cette tour. »

Il montrait un des immeubles.

« J’ai fracassé un mur entier pour en faire des projectiles. »

Noah lui demanda ce qu’il pensait de la situation.

« Les bleus ne sont pas assez nombreux, ils peuvent se faire déborder. D’après ce que je sais, ça pète un peu partout, c’est bon pour nous. »

Il regarda du côté des émeutiers.

« J’ai essayé de parler un peu avec eux, mais c’est compliqué. »

Il montra ses hématomes, au front, à la bouche.

« Avec ce qui est arrivé, ils sont à vif. »

Zoé comprenait. Frustrée de l’impossibilité de rencontrer ces jeunes, elle devrait se contenter des flics. Elle voulut profiter de l’accalmie pour parler au commandant. Conférant avec ses officiers près du véhicule de transmission, celui-là avait manifestement autre chose à faire ; mais à force d’arrogance, elle parvint à lui arracher un semblant d’entretien. Consignes de transparence…

« Pourquoi êtes-vous si peu nombreux ?

— Il y a dix-mille CRS opérationnels en France. Ils sont tous déployés. »

Comme la blogueuse ne trouvait pas d’autre question intelligente, il continua :

« On ne sait pas combien de temps ça va durer. Les gars ne seront pas relevés. Nos barrages mobiles ne peuvent pas manœuvrer ici. Le lance-eau a été missionné sur les Champs. J’ai fait savoir que nous avions besoin d’un escadron supplémentaire, et du Peloton d’intervention de la gendarmerie, pour interpeller les meneurs. Si on ne reprend pas le terrain, il n’y aura pas d’enquête. Et en l’état on ne peut pas le reprendre. Mais les ordres de la préfecture sont formels : nous sommes ici pour maintenir la situation, éviter de nouveaux incidents graves, et nous ferons avec ce que nous avons. »

Il semblait frustré.

« À titre personnel, que pensez-vous de ces ordres ?

— Je ne suis pas là pour penser, et je ne m’exprime pas à titre personnel.

— Vous pouvez me le dire : je ne l’écrirai pas.

— Ça tombe bien : je ne le dirai pas. »

Elle s’efforça de ne pas lui rendre son sourire.

« Si vous avez d’autres questions, mon lieutenant se fera un plaisir d’y répondre. »

Zoé s’éloigna d’un pas vexé. « Reprendre le terrain ». Ils se prenaient pour des conquistadores.

Elle tenta d’oublier son envie de se laver, de se brosser les dents, de prendre un bon bain chaud, de dormir, et s’efforça de se replonger dans son article. Elle était fière. Elle se raconterait comme une héroïne, avec la touche d’humilité requise. On la célébrerait, pour oser ce que les journalistes ne faisaient plus.

Elle voulut d’abord justifier le « silence » des jeunes de la cité. Elle pensa à la dignité. À leur refus d’instrumentaliser le drame. Elle ne voulait pas trop en faire dans le misérabilisme, ce qui passerait pour du paternalisme. Non,elle allait vanter leurs mérites et leur créativité, face à un ordre social qui s’apparentait à une torture psychique. Quitte à inventer un témoin ou deux. En entendant un cri, elle leva les yeux.

À travers les grilles du barrage mobile, elle vit leur charge.

Ils étaient plusieurs centaines, sortis de derrière les tours, fonçant dans une attaque coordonnée droit sur le dispositif policier. Elle s’était levée, avait laissé tomber son carnet. Les CRS criaient des ordres, reprirent leur position, levèrent leur bouclier. Une salve de grenades fut tirée. Dans une violente déflagration, un bouquet de fumée s’éleva de devant les fourgons. Le commandant cria quelque chose. Des sections entières s’y engouffrèrent en hurlant. Dans un vacarme sans son, les gardes mobiles firent ce qu’ils savaient faire : briser la vague d’assaut en lui opposant ses matraques et ses boucliers, avancer directement face à elle, puis, grâce aux agents de la Bac, isoler de petits groupes d’émeutiers, en menaçant de les encercler pour les interpeller. Les jets de projectiles anarchiques devinrent vite aussi dangereux pour les assaillants que pour les policiers. Quelques grenades de désencerclement claquèrent. Les insurgés chargeaient de nouveau, dans le désordre et les cris. L’issue de la bataille semblait incertaine. Les uns avaient le matériel, l’organisation et l’amertume, les autres le nombre, la foi et la rage.

Aux côtés de la blogueuse, le lieutenant semblait inquiet. Il jetait de fréquents coups d’œil en arrière. De l’autre côté de la route, une supérette constituait le seul repli possible. Il était impossible de reculer contre les immeubles, sans risquer de s’y voir bombardé par leurs occupants.

Quand la fumée se dissipa, on vit que les émeutiers s’étaient repliés. Les CRS les avaient repoussés jusqu’au pied des tours. Et on vit une scène affligeante : le jeune Maël, seul au milieu des sections de CRS suréquipées, criant, poussant et frappant les boucliers, comme un fou, pathétique. Il hurlait aux émeutiers de revenir. Il savait qu’on ne lui ferait rien.

Les CRS s’en amusaient presque, en le ramenant derrière les fourgons, par de légères poussées de bouclier. À le voir ainsi humilié, Zoé éprouva un mélange de honte et de colère. Elle voulut appeler les médias, pour dire comment certains témoins étaient « violentés ». Dans le chaos de l’information approximative, ça pouvait passer.

Malgré tout, malgré elle, elle avait peur. Elle approcha le lieutenant.

« Allez-vous maintenir votre dispositif ?

— Il n’est pas question d’abandonner nos positions.

— C’était pourtant une attaque violente.

— Non. C’était un test. »

À cet instant, le flot des émeutiers se referma sur la place, comme la mer derrière Moïse.

Peut-être six fois plus nombreux, ils chargèrent à nouveau, armés de bâtons, de machettes et de barres de fer.

« Ça, c’est une attaque violente. »

DEUXIEME JOUR – 18

Dans l’histoire du monde, c’est encore l’absurde qui a le plus de martyrs.
— Frères Goncourt

PARIS, 5E ARRONDISSEMENT, 9 H 20.

Le colonel n’avait pas très bien dormi. Il avait allumé la télévision plus tôt que d’habitude, et ça ne lui avait rien appris de nouveau. Quelques incidents rapportés. Une certaine « tension ». Le curé apprécié de tous, qui offrait des câlins gratuits devant Montmartre, avait été égorgé par un déséquilibré. Dans l’ensemble une nuit « plutôt calme ». On évoquait cependant un « acte islamophobe gravissime », avec « un nouveau jet de lardons devant une mosquée ».

Les journalistes de BFM TV procédaient à leur revue de presse. D’énormes « NON » barraient la plupart des Unes. INDIGNE, titrait Le Figaro, LE CHOC, pour Les Échos, ABJECT, pour La Croix, RÉVOLTE, pour L’Humanité, LE MASSACRE QUI BRISE LA FRANCE, pour le JDD, un plus sobre LA FRANCE EN DEUIL pour Le Monde, LA NAUSÉE, pour Libération, TERRORISME ORDINAIRE, pour L’Express, CRIME CONTRE L’HUMANITÉ pour L’Obs, avec l’encart « Comment l’extrême droite profite du crime (lire en page 2) ».

L’éditorialiste Renaud Lorenzino venait de livrer son analyse – très attendue – de la situation. Il avait parlé de patrie en danger, et insisté sur la menace de l’ultradroite, intérieure, structurée, qui passait maintenant aux actes, au point de faire craindre à Lorenzino une « véritable tentative de putsch ». Il expliqua que le « putsch moral » avait déjà eu lieu, qu’il était ce « scepticisme sournois » que l’on observait partout, à l’égard de tous les efforts de la démocratie pour défendre la dignité de notre modèle de trèsbien-vivre-ensemble.Il se déclara « totalement » en faveur de la requête de Quraych Al-Islam, ajouta qu’il faudrait aller beaucoup plus loin, et à l’avenir anticiper de tels besoins légitimes.

Les journalistes parlèrent d’un discours « majeur », voire « fondateur », qui devait donner à l’union nationale un nouvel élan, et presque « une nouvelle constitution ».

« Nous vous rappelons les principales informations de la journée. L’état d’urgence a donc été renforcé, en raison des quelques incidents ayant eu lieu en marge des manifestations spontanées, auxquelles le gouvernement a demandé qu’il soit mis un terme, « pour la propre sécurité des participants ».

Du côté des syndicats et des associations citoyennes, on dénonce un « déni de démocratie » et une « dictature par la peur ». Le drame de la cité Taubira et cette situation de tension effraient les marchés, en effet les places boursières sont en forte baisse ce matin, dans le sillage de Paris, qui dévisse sous les 3 000 points. Le Premier ministre a tenu à rassurer les investisseurs, et à mettre en garde ceux qui seraient tentés d’amalgamer telle communauté ou telle religion à ces actes de protestation.

Les lois anti-haine seront promulguées sans examen parlementaire, par recours à l’article 49.3. Ces lois requalifient notamment en « crime » toute déclaration jugée contraire à la dignité humaine, ce qui constituait jusque-là un simple « délit aggravé ».

Et nous vous rappelons enfin que Quraych Al-Islam attend des excuses officielles de la part du Président de la République, ainsi que le versement d’un premier « loyer » de dix milliards d’euros. Cet ultimatum expire dans deux heures et quarante minutes maintenant, comme l’indique notre compte à rebours incrusté en bas de votre écran. »

L’Élysée avait promis une réponse dans la matinée.

Un reportage montrait un rassemblement place de la République, en soutien aux itinérants. Une foule brandissait des pancartes « Refugees Welcome », et scandait : « Remplacez-nous ! Remplacez-nous ! » Le nouveau slogan à la mode.

Une Femen, collier à piques et seins nus, boudinée jusqu’au milieu du ventre par un collant noir, hurlait à la caméra : « Nous serons tous des Français remplacés ! »

Un autre reportage, tourné dans une banlieue de l’Essonne, montrait une jeune femme chargée de sacs de courses fuyant une bande d’émeutiers,visages dissimulés par des cagoules et des keffiehs, sautant sur des voitures et jetant des pierres au loin, sur fond de feux de poubelles. Plus loin dans la rue, des magasins étaient pillés. À bonne distance, une rangée de CRS, immobile. L’heure n’était plus à la conciliation. Devant une barre d’immeuble en flammes, un homme prenait à témoin une caméra, lui hurlait en la tenant à deux mains son amour d’un dieu tolérant et pacifiste. D’autres vinrent se joindre à lui. Bientôt l’image chavira, on entendit le journaliste crier. Retour plateau. La présentatrice s’excusa pour les difficultés techniques.

Le colonel pensa à son petit-fils. Il ne répondait pas au téléphone. Où était-il ? Que faisait-il ?

« Alors que les mouvements de protestation, d’abord localisés dans la grande couronne, s’étendent semble-t-il à certains quartiers des moyennes et grandes villes françaises, le Président de la République, qui doit faire face à une fronde de sa majorité, vient de faire savoir à l’instant qu’il rejetait officiellement la requête de Quraych Al-Islam, jugée « inappropriée ». Dans un communiqué, le Président insiste sur sa politique de réparation et sur les efforts fournis par le gouvernement contre l’exclusion, ajoutant que toute demande paraissant légitime serait étudiée avec bienveillance. Une intervention solennelle du chef de l’État aura lieu dans la journée… »

Le colonel se leva. Il fit quelques pas, s’adossa au mur, et songea.

Par la fenêtre, des fumées noires s’élevaient dans le lointain. Ça s’était produit des dizaines de fois, rien ne laissait présager que celleci serait la dernière. Et pourtant… Et si son petit-fils avait raison ? Et si le chaos était déjà là ? Était-ce le poids des ans, la sagesse, la raison ? Sans rien connaître des troubles qui se jouaient là-bas, vers les incendies, le colonel n’eut plus la moindre volonté de contenir sa crainte, et presque sa certitude, que tout était en train de se jouer. Et que tout était en train de se perdre. Il en avait vu d’autres, mais jamais ça ne lui avait paru aussi grave. Cette fois l’État semblait totalement dépassé. Et tout le monde se liguait contre la bête blessée.

Et on ne l’appelait toujours pas.

« Putain de merde ! cria-t-il, en frappant du talon le mur.

— Henri ! gémit Jocelyne, depuis sa cuisine.— Je sais, pardon. »

Le colonel retourna à son canapé.

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1 Commentaire

  1. Je rends hommage à Laurent Obertone pour sa maîtrise des différentes langues et dialectes exotiques, mais pour le Francais de souche, ça serait bien d’avoir la traduction.